France

Régionales: un dernier de liste FN «très heureux d’avoir fait campagne»

Temps de lecture : 5 min

[LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS] Pour l’ultime ligne droite des régionales, nous vous proposons de découvrir non pas des têtes de liste mais des derniers de liste. Huitième et dernier épisode en région Paca, où le paysagiste Tanguy Vernay, en dernière position sur la liste vauclusienne de Marion Maréchal-Le Pen, a accepté de mettre son entreprise entre parenthèses le temps d'une campagne, pour défendre ses «valeurs».

Pour changer des têtes de listes, Slate.fr a décidé de s’intéresser, pour cette ultime ligne droite des élections régionales, aux derniers de liste: ceux qui n’ont aucune chance d’être élus, simples militants venus faire le nombre ou élus d’une autre assemblée chargés de donner une touche de notoriété à la fin de la liste. Huitième et épisode de cette série «Les derniers seront les premiers», cette fois en Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec Tanguy Vernay, 33 ans, qui a rejoint le FN en 2013, est devenu conseiller municipal de Carpentras en 2014 et est aujourd’hui dernier de la liste du Vaucluse conduite par Marion Maréchal-Le Pen, qui a recueilli 40,55% au premier tour.

En quelques minutes, il aura répété le mot au moins cinq fois. Défendre les «valeurs». Lesquelles? Pêle-mêle: «L’engagement, le partage, la convivialité, le travail, la famille, l’amitié. Les voilà, les valeurs du FN. Ce sont des valeurs d’avenir!» précise-t-il entre deux rendez-vous. Tanguy Vernay est paysagiste à Carpentras, où il est installé depuis près de vingt ans, dont quinze à son compte dans ce métier touché par la crise. Il n’a aucun doute sur le scrutin de dimanche 13 décembre: «On aura une belle surprise. Les gens ne supportent plus la gauche et la droite.» Chaque vendredi matin, il arpente le marché de la sous-préfecture de 28.000 habitants et alpague les électeurs en plein cœur de la circonscription de Marion Maréchal-Le Pen, qui espère emporter la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur face à Christian Estrosi. «Ce matin, c’était extraordinaire. Même la communauté musulmane est avec nous! Des socialistes sont venus me dire: “On va voter Marion, car on n’en peut plus.” Ils ne veulent pas que ce système se poursuive...»

Au soir du premier tour, ici, le FN a réalisé son troisième plus gros score national (44,2% des voix). Véritable symbole de cette fusion des droites, avec un électorat traversé par une profonde désaffection pour la politique, le département de Vaucluse est le plus à droite de France. Et le restera certainement après le 13 décembre. Responsable de l’antenne vauclusienne du Collectif «Nouvelle Écologie» –dont l’objectif est de fédérer des personnes de la société civile autour d’une «écologie patriote» faite de «protectionnisme intelligent», afin de préparer le programme présidentiel de Marine Le Pen–, Tanguy Vernay jure qu’il adhère aux idées du FN «depuis tout jeune». «Depuis toujours, même», sourit-il, c’est-à-dire «depuis l’âge de 18 ans»:

«Il faut redonner le goût du travail car les gens sont écœurés. Aujourd’hui, ils n’ont plus envie de travailler, non pas parce qu’ils sont feignants, mais parce qu’on ne leur donne plus d’espoir. Il faut qu’on ouvre les yeux.»

«Retrouver le goût de la Provence»

Un soir, il donne le coup de main pour l’organisation des meetings frontistes dans le département, qui s’est largement mobilisé derrière Marion Maréchal-Le Pen. Le lendemain, il participe à un événement dans le cadre de son métier, ébranlé par la conjoncture économique et les difficultés administratives: «C’est certain qu’on a eu des années plus glorieuses. En gros, depuis cinq ans, c’est la catastrophe. Je ne connais pas un seul chef d’entreprise qui n’est pas dans la merde...» En cause, selon lui, «la politique gouvernementale qui tue le petit artisanat et les petites entreprises. [Il connaît] plein de petits chefs d’entreprises qui sont pris à la gorge, avec des prêts, des maison en caution, etc. C’est grave.» Tanguy Vernay est représentant d’une organisation patronale. Il ne dira pas laquelle. Mais en regardant un peu sur sa page Facebook, publique, on peut penser qu’il s’agit de l’Unep, une organisation qui organisait au début du mois son assemblée générale. Il croit sincèrement que le programme économique du FN va dans le bon sens et qu’il permettra de retrouver croissance, emplois et productivité: «Mieux que ça, je pense que ma vie va changer avec le FN. Les gens vont retrouver le sourire, le goût de la Provence, car il y a un vrai malaise actuellement.»

Il jure pourtant ne pas cacher son étiquette Front national, même si «certaines personnes font l’amalgame, comme on dit, ce qui est gênant, oui et non»:

«Je ne porte pas une étiquette politique, corrige-t-il, même si je me reconnais dans le FN. Mais c’est surtout ses valeurs que je défend. Et quand on a des valeurs, on les porte fièrement!»

Tanguy Vernay | Photo: Jérémy Collado

Les équipes de campagne font le tour des communes avec un véhicule sérigraphié bien visible, histoire d’afficher franchement la couleur: «Il n’y a aucune honte à se dire FN, au contraire!» juge Vernay. Mais l’engagement a tout de même un coût;le temps de la campagne, il est obligé de «mettre l’activité business de côté»: «C’est un vrai choix. Nos entreprises sont pénalisées, c’est indéniable, et on constate une perte de chiffre d’affaires. Mais il faut savoir ce que l’on veut.»

Un coup de téléphone de Marion Le Pen

Parfois, figurer sur une liste est simple comme un coup de téléphone. Il y a quelques mois, Tanguy Vernay fait acte de candidature pour ces régionales. Il est jeune, s’engage de façon volontaire dans la fédération. C’est directement Marion Maréchal-Le Pen qui l’appelle sur son portable: «Elle m’a proposé d’être sur la liste, j’ai accepté avec plaisir.» En dernière position: «L’idée, c’est de la soutenir dans cette belle aventure. Je suis déjà très heureux d’avoir fait campagne, c’est une super expérience», lâche-t-il, pas déçu par son rang.

La vérité, c’est qu’au FN malgré les bons scores récents, les militants chevronnés restent encore rares, même si certains commencent à émerger. Outre la difficulté d’être catalogué FN, il y a aussi, et surtout, le manque de mobilisation et d’appétence des citoyens pour la politique. Comme dans tous les partis. «On a des militants mais on en voudrait toujours plus, relativise Tanguy Vernay. C’est sûr qu’on manque de militants “actifs” et, avec plus de monde, on pourrait faire du meilleur travail. Mais on fait déjà beaucoup “de terrain”.»

En face, la «résistance» au FN s’organise, en particulier du côté du maire socialiste de Carpentras, François Adolphe, qui peste contre l’effet BFMTV, accusant à demi-mots la chaîne de couvrir trop largement la campagne FN. Aux municipales, Tanguy Vernay se souvient d’un climat de tension bien plus violent que pour ces régionales:

«On avait face à nous un candidat très agressif, jure-t-il. Bon après, il y a quinze jours, des équipes socialistes distribuaient un tract en beuglant bien fort: “Contre Marion! Contre Marion!” Si leur programme, c’est juste de lutter contre, c’est assez déplorable.»

En effet, face à la percée de la jeune frontiste, soutenue par une armée d’aficionados, l’opposition a du mal à se faire entendre. «Marion est une personne rare, décrypte Tanguy Vernay. C’est impensable à son âge d’être aussi compétente, d’avoir un mental et des valeurs comme celles-là. C’est une perle. Alors certes, il y a l’effet aspirateur, mais derrière il y a un ras-le-bol général des gens. Chacun voit le malaise...»

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