Parents & enfants / Culture

Je suis ton père (et ce soir, on regarde «Star Wars»)

Temps de lecture : 8 min

Ceux qui étaient enfants lors de la sortie en salles de la trilogie ont désormais l’âge d’être parents. Comment assurer la transmission? Tentative de réponse, il n’y a pas si longtemps, dans une galaxie très lointaine et dans mon salon.

Un enfant habillé en Dark Vador, à Singapour, le 12 novembre 2015. REUTERS/Edgar Su.
Un enfant habillé en Dark Vador, à Singapour, le 12 novembre 2015. REUTERS/Edgar Su.

Je ne suis pas un si grand fan de Star Wars (surtout comparé à d’autres) mais les Jedi et les chasseurs Tie ont toujours fait partie de ma culture d’enfant –j’avais 8 ans au moment de la sortie en salle du Retour du Jedi. Je n’ai pas vu la trilogie originale à ce moment-là: papa, maman et grande sœur s’en tapaient un peu et mamie a catégoriquement refusé de m’emmener voir ce film –elle avait bloqué sur la bande-annonce et le type à la tête de poisson.

C’est un peu plus tard que j’ai découvert Le Retour du Jedi chez un grand cousin bricoleur qui avait construit un décodeur Canal+ pirate: «Quoi, t’as jamais vu Star Wars? Viens ce soir à la maison.» Je n’ai pas tout compris mais j’ai adoré (même les Ewoks, oui). Et je m’en rappelle encore aujourd’hui. Luke, habillé en Jedi, qui vient sauver son pote Han et la princesse Leia…. Et un combat de sabre-laser. Une fête de fin, et encore des Ewoks.

J’ai ensuite usé quelques VHS, puis revu les films en salle au milieu des années 1990. Depuis, j’ai emmené ma petite amie voir la prélogie et ce n’était pas vraiment un service à lui rendre pour lui faire aimer Star Wars (et l’emmener voir Transformers non plus, note pour plus tard). C’est l’année dernière, quand ma fille a eu 6 ans, que j’ai eu une féroce envie de regarder Star Wars avec elle. De lui faire découvrir cet univers dans ce qu’il a de plus simple et de plus immédiat. Bref, de lui offrir cette sensation d’émerveillement que j’ai eue quand j’étais petit…

1.Vraiment, j'avais envie de re-re-regarder la saga. Avec elle

Ma Lucie était en plein dans sa période princesses: Cendrillon, Blanche-Neige, Anna, Elsa et les petits poneys (et même princesses poneys, si si). Et je n’en pouvais plus. Autant les poneys, ça passe parce que c’est marrant, autant les princesses Disney qui prennent le thé entre elles en parlant de robes de bal et en prenant la pose sont le pire crossover de l’histoire des crossovers, ever.

Alors, j’ai fait ce que font tous les parents à un moment: de la manipulation mentale. «Lucie, je vais te raconter une histoire de princesse. Mais dans l’espace. La princesse Leia a un pistolet laser et elle sauve les garçons…» Ma fille avait déjà entendu parler de Star Wars et de son univers impitoyable, mais c’était surtout parce qu’autour d’elle, les enfants regardaient de dessin animé Clone Wars, et on ne peut pas dire que ça l’a branchée plus que ça. Mais il y avait dans mon ton un truc qui l’a titillée. Une connivence… un désir d’initiation. La promesse d’un univers cool. Bingo, enfant harponné.

J'ai posé la question à des amis et contacts pro parents et fan de la Force. Erwann Gaucher, papa de deux enfants de 4 et 6 ans, n’a pas tout à fait la même approche: il n’a pas (encore) regardé Star Wars avec ses enfants. «Malgré leurs demandes TRÈS répétitives. Je suis tenté mais je pense que la trilogie est trop complexe pour leur âge. Ils vont tout simplement peu profiter de la chose, alors que s'ils attendent encore trois ou quatre ans, ça va être top. Et puis, j'ai vraiment envie de le partager avec eux et d'expérience, je vois qu'on essaie souvent d'aller trop vite, de partager ce qu'on a aimé à 10 ans quand ils en ont 5 ou 6n et tout le monde est un peu déçu.» Yann Videcoq est de l’avis inverse: «J’ai décidé de le montrer à Sarah-Lou, 9 ans, et Eléanore, 5 ans, en accord avec leur maman, parce qu’au final, ce n’est qu’une histoire de prince et de princesse qui se passe dans l’espace avec des combats d’épée. En fait, en les ayant regardés avec mes filles, ça m’a semblé logique que Disney rachète la franchise.»

Me flattant d’avoir initié ma fille à une certaine grammaire de l’image, je me suis lancé. (Spoiler: ça l’a fait, grave.)

2.Dans quel ordre regarder la saga?

Sérieusement? Vous en êtes ENCORE là? Alors, que les choses soient claires. Pour un premier visionnage: épisode IV (Un Nouvel Espoir), épisode V (L'Empire contre-attaque), épisode VI (Le Retour du Jedi). Puis I, II et III.

Pour un second visionnage, une seule alternative: IV, V, II, III, VI . On part de l’histoire de Luke et on intercale des flash-backs appelés L'Attaque des clones et La Revanche des Sith (et non, pas de Menace fantôme, une seule fois suffit amplement. Ne me remerciez pas).

Nico Prat, journaliste ayant participé au hors-série Rockyrama sur Star Wars, a également commencé par Un Nouvel Espoir pour montrer ces films à sa petite sœur de 15 ans:

«Peut-être que la meilleure façon de lui faire aimer Star Wars aurait été de commencer par La Menace Fantôme, je ne sais pas. Je déteste la prélogie car elle est moche et ne correspond pas ce que j'aime dans la première trilogie, mais peut-être que c'est un point de vue de vieux. Mon petit frère, qui n'a que quatre ans de moins que moi, préfère la prélogie, par exemple…»

(Son petit frère ne connaît rien à la vie, nous sommes tous d’accord là-dessus.)

Concernant ma volonté de transmettre cet univers à ma fille, il m’est apparu indispensable de commencer par l’épisode 4 pour qu'elle soit surprise quand Dark Vador… Et puis quand Luke annonce à Leia que… Et puis surtout, la progression scénaristique fait que c’est un ordre de visionnage logique.

Yann Videcoq, qui est un père responsable, approuve pour d’autres raisons: «Un Nouvel Espoir, bien sûr. La série I, II, III me semble plus violente et moins montrable (en tout cas à Eléanore, qui a 4 ans). De toute façon, je n’ai pas la prélogie à la maison. Et puis franchement, ne pas voir ceux-là, ce n’est pas une grosse perte.»

Si vous voulez expliquer le contexte de la saga Star Wars à votre enfant, la vidéo ci-dessous montre exactement ce qu’il ne faut pas faire.

3.Star Wars est un conte de fées dans l'espace

J’en reviens à ma fille et à cette communion spatiale entre nous deux. Il fallait célébrer, presque sacraliser l’aspect exceptionnellement cool du moment. J’ai donc choisi un dimanche après-midi d’hiver: il fait moche, on prépare un plateau-repas et on lance le film à 18h. On grignote en même temps, on fait des câlins quand il y a du suspense et après, on redescend en émotion pour aller se coucher et attaquer la semaine.

On débute le film. La mise en place est immédiate. La princesse est attaquée, on cherche le vieux Jedi et on rencontre Luke, le petit paysan qui va devenir chevalier. J’essaie de voir le film par ses yeux, mais ce n’est pas si simple. Ce qui change avec les enfants, c’est qu’on explique un peu en même temps. Mais pas trop, pour ne pas les embêter avec des choses que l’on a découvertes progressivement au cours des différents visionnages.

Nico Prat en a un peu fait les frais:

«J'ai essayé de l'intéresser au personnage de George Lucas, et pourquoi on l'aime mais on le déteste. J'ai essayé de lui faire repérer les effets rajoutés de l'édition spéciale, par exemple, mais ça ne lui sautait pas aux yeux, je pense que son regard n'est pas assez aiguisé. La scène avec Han Solo et Greedo, j'ai mis pause (le truc insupportable), essayé de lui expliquer pourquoi cette scène rendait les fans fous de rage, et pourquoi ce changement (Greedo qui tire en premier) était important, qu'Han Solo devait d'abord être un anti-héros avant de devenir un héros, et que désormais ce n'était plus le cas. Bon, je ne suis pas certain d'avoir réussi, mais j'ai tenté.»

Pour ma part, je suis passé sur deux-trois détails pour me concentrer sur l’essentiel: la Force, une princesse bad-ass qui rabroue Han Solo et un Luke preux chevalier. La musique à fond et une belle remise de médaille à la fin (super happy end, au passage).

4.Est-ce que ça change notre perception du mythe?

Déjà, le fait de regarder le film en français comme quand j’avais 10 ans change un peu les choses. Les voix doublées sont amicales et surjouées. C’est parfait pour les gosses. Et, il faut bien l’avouer, j’ai commencé le film avec un peu de trouille au ventre. Et si ma gamine trouvait ça complètement naze?

Heureusement pour moi, ça n’a pas été le cas. J’en ai profité pour m’attarder sur quelques détails (cette histoire révoltante de Han Solo qui ne tire pas en premier, je l’ai gardée pour moi). Ma fille était tellement à fond qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de me demander la suite de l’histoire… «Papa, et là, ils vont s’échapper, hein?» et «Dark Vador, il est vraiment méchant?». Il m’a fallu lui promettre que le dimanche suivant, on regarderait L’Empire contre-attaque… Yann Videcoq a également du subir les questions de sa fille de 9 ans:

«Elle a adoré. Elle a commencé à me poser plein de question sur qui est Dark Vador. Est-ce que Luke est amoureux de Leia, etc… Je n’ai pas vu de nouvelles choses mais à chaque scène je scrutais pour être sûr que je ne m’étais pas trompé et que ce n’était pas trop violent. Et en fait, non. Par contre, je confirme que Dark Vador est un vrai méchant pour les plus petits. La plus petite ne comprend pas pourquoi il a un masque. Elle a réclamé plusieurs fois qu’il l’enlève!»

Pour l’ado de 15 ans, les choses étaient un peu différentes, comme le raconte Nico Prat:

«Elle a pensé que c'était cool. Je n'ai pas vraiment réussi à en savoir plus. Je pense que cela manque pour elle de sensations fortes, de grosses explosions, de frayeurs et peut-être, visuellement, de modernité. Après, pour L'Empire contre-attaque, elle était contente de voir enfin en vrai la scène où Dark Vador apprend à Luke qu'il est son père. Elle semblait la connaître par cœur sans jamais l'avoir vue.»

Chez moi, même ma femme a commencé à regarder et s’est finalement laissée prendre au jeu. Star Wars est devenu un spectacle familial. Carton plein. Papa ravi.

5.Et après?

Après, on est dans la panade. On est obligé de supporter un mini-Jedi qui vous pique votre sabre-laser à la maison pendant quelques semaines/mois/années/vies. Ma fille a tenu à regarder la suite. Et nous avons regardé, l’été suivant, la «prélogie». Elle a aimé La Menace fantôme mais la suite était compliquée, pleine d’intrigues politiques et de scènes de combat sans queue ni tête… La Revanche des Sith reste un film assez violent (je me souviens avoir lâchement détourné son attention pendant qu’Anakin tue tous les Jedi, y compris les petits enfants).

Et puis après, il y a l’école, comme le raconte Yann Videcoq:

«La semaine d’après elle, est revenue de l’école en me parlant de Padmée, Anakin, Darth Sidious, etc… Bref, elle a fait sa culture Star Wars en trois jours avec les copains/copines. Depuis, c’est une fan. Sa liste de Noël contient beaucoup de Lego Star Wars. On est même allé acheter le livre Un Nouvel Espoir, qu’elle a commencé à lire…»

Quant à ma fille, elle est passée à autre chose. Elle est devenue fan de Marty McFly depuis que nous avons vu cet automne Retour vers le Futur I, II et III

Joie simple #backtothefuture avec ma fille de 7 ans. #autaquet

Une photo publiée par Eric Nahon (@ericnahon) le


Et sinon, pour Le Réveil de la Force, j’ai pris une place le 17 décembre à 10 heures du matin en posant ma RTT (vous voyez que je ne suis pas si fan. Je n’y vais pas le jour de la sortie du film, mais le lendemain…). J’emmènerai ma fille plus tard, pendant les vacances de Noël... Mes jumeaux, eux, devront attendre quelques années, mais ils sont nés du (bon?) côté de la Force: il suffit de voir le tee-shirt que je portais à la maternité.

Le T Shirt évident pour aller à la maternité

Une photo publiée par Eric Nahon (@ericnahon) le

Newsletters

La drôle d'histoire des ours en peluche

La drôle d'histoire des ours en peluche

Où l'on apprend aussi pourquoi les tout-petits aiment tant les câliner.

Êtes-vous «l'enfant mot de passe»?

Êtes-vous «l'enfant mot de passe»?

Un test lancé sur TikTok montrerait qui est le préféré de la fratrie aux yeux des parents.

Santé mentale des adolescents: comment les parents peuvent aider

Santé mentale des adolescents: comment les parents peuvent aider

À l'heure où la détresse psychologique des jeunes est au plus haut, les adultes ont aussi leur rôle à jouer.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio