«Ce sont les films qui nous montrent non seulement à quoi nous ressemblons mais, plus important, comment nous nous sentons», a déclaré l’ancien acteur Ronald Reagan en 1981, l’année de son élection à la présidence américaine. Cette phrase célèbre est évidemment à replacer dans son contexte mais elle souligne aussi la puissance d’une saga cinématographique qui a suivi ses deux mandats à la Maison Blanche: Star Wars. C’est le site io9 qui rappelle qu’il existe un parallèle entre l’homme politique et les films de George Lucas et notamment comment ces derniers ont permis à l’Amérique d’accepter de confier la lutte contre le communisme à un cowboy de cinéma.
En 1975, les États-Unis vivent une époque étrange. Le scandale du Watergate a poussé le président Nixon à la démission et l’échec cuisant de la guerre au Vietnam traumatisera le pays pendant de nombreuses années. C’est dans ce contexte que le jeune réalisateur George Lucas a créé Star Wars (sorti en 1977). Celui qui était envisagé un temps pour réaliser Apocalypse Now a voulu avec cette saga dénoncer les excès américains en transformant son pays en empire intergalactique tyrannique.
Le site io9 explique que «Lucas a affirmé que Star Wars adresserait les mêmes idées que sa version d’Apocalypse Now, mais en les relocalisant dans une autre galaxie et dans un passé distant. Il voulait que Star Wars soit l’histoire d’une oppresseur inhumain vaincu par une révolte locale». Dark Vador était même inspiré de Richard Nixon, note Kathleen Moran, directrice associée du département des études américaines à l’université de Berkeley. Les stormtroopers sont les soldats américains et les Viet Cong (qui apparaissent dans le dernier épisode) sont incarnés par la population d’Ewoks.
Les gentils contre l’empire du mal
Sauf qu’en voulant redonner à la jeunesse de son époque un esprit digne des films d’aventure qu’il avait regardés pendant son enfance, George Lucas a quelque peu raté sa charge anti-américaine. «Personne n’est jamais sorti d’une séance du premier Star Wars en disant “Mec, nique l’Amérique”», explique io9. Pire, le personnage de Luke Skywalker, un fermier au destin insoupçonné, ressemble à bien d’autres héros américains dans les plus classiques des westerns ou films d’aventure. Ce qui fait dire à David Sirota, auteur de Back to Our Future: How The 1980s Explain The World We Live In Now, que Star Wars a montré aux Américains qu’ils pouvaient être à nouveau les gentils de l’histoire en leur faisant voir «des héros militaires dans un décor qui était sûr car c’était officiellement du fantastique».
En outre, comme le dit io9, «la pop culture forge la politique, aussi bien que l’inverse. Nos films, nos séries, nos jeux et autres médias aident à la création de notre matrice sur le fonctionnement du monde». Une victoire contre le mal dans la fiction nous fait croire que l’on pourra gagner le même genre de combat dans la réalité. Ce qui a servi à Ronald Reagan.
Le 40e président des États-Unis a en effet largement bénéficié du lien que les Américains ont tissé entre l’URSS en pleine Guerre froide et l’empire de Dark Vador. Un fermier devenu Jedi et vainqueur de la lutte contre l’Empire d’un côté, un président ancien cowboy cinématographique qui promettait de lutter contre le mal soviétique de l’autre... le rapprochement était facile. «La pureté du combat [des rebelles] contre le mal était le plus beau cadeau que pouvait faire Star Wars à Reagan», conclut io9.
Et ce dernier a très bien réutilisé ce concept une fois élu. Il a décrit dès son discours d’investiture l’URSS comme un «empire du mal» et a nommé, pendant son mandat, l’un de ses programmes de défense «Star Wars».