En tête dans six régions sur treize en métropole après le premier tour des élections régionales, le Front national ne fait pourtant toujours pas l'unanimité sur les cartes. Si le Parti socialiste et le parti Les Républicains sont traditionnellement et historiquement représentés en rose et en bleu, la question se pose pour le mouvement dirigé par Marine Le Pen. Doit-il être représenté, comme il se définit lui-même avec son «rassemblement», en bleu marine? Ou alors dans d'autres couleurs qui représentent à chaque fois un positionnement particulier?
Un moment représentatif de cette diversité est apparu lors de notre live de la soirée électorale. À 22h26, nous avons publié deux cartes pour comprendre les premières estimations de résultats du premier tour des élections régionales. L'une, de l'AFP, colore en gris les régions où le FN arrive en tête. L'autre, de l'agence Idé, présente les listes du parti par commune en marron.
#Regionales2015 : les listes en tête par communes. La carte à 21h avec les données du ministère de l'Intérieur. pic.twitter.com/upwK9xPgva
— Idé (@agenceIDE) 6 Décembre 2015
#Regionales2015 Le FN en tête dans 6 régions au 1er tour (instituts de sondage à 21h30) #AFP pic.twitter.com/mNFwKi67Lz
— Agence France-Presse (@afpfr) 6 Décembre 2015
«La représentation de ce parti est en train de changer»
Chez Slate, la question ne s'est pas posée dans la rédaction. Une carte a été réalisée, plaçant le Front national en violet. Un précédent article sur Slate.fr, datant de 2014, évoquait déjà la question de la couleur. Arnaud Mercier, professeur d'université à Panthéon-Assas, expliquait alors cette tendance:
«La couleur choisie pour le FN n’aura pas nécessairement un impact sur la représentation que l’on se fera du parti. Mais cela montre que la représentation de ce parti est en train de changer, et que les médias intègrent ce changement.
Certains médias utilisent toujours le noir. Mais d’autres intègrent l’idée que le FN s’inscrit dans un continuum qui va de la gauche à la droite, et choisissent donc une teinte de bleu.»
Une teinte de bleu marine a été associée au parti de Marine Le Pen pour l'Express et FranceTV Info. D'ailleurs, sur les chaînes de télévision, c'est toujours le bleu marine qui a régné pour accompagner le visage des candidats frontistes. Le Figaro a, lui, présenté le mouvement dans une couleur violette. Libération est un des derniers médias à utiliser le noir.
La carte de la France après les régionales 2015 dans le journal Libération du 7 décembre 2015.
D'autres journaux, comme Le Monde, ne semblent pas savoir sur quel pied danser. Le quotidien a détaillé sur son site la carte des électeurs par commune en bleu marine. Cependant, la carte en Une du journal aujourd'hui devrait changer cette couleur en marron.
À la une du Monde (print), la France est plutôt marron/brun. Hier, sur @lemondefr, elle était plutôt "bleue foncée". pic.twitter.com/9WJlkMBHS1
— Antoine Bayet (@fcinq) December 7, 2015
Noir et marron, des couleurs polémiques
Comme nous l’avions expliqué dans notre précédent article, la représentation des mouvements peut résulter d'une «volonté éditoriale» mais aussi d'une problématique de différenciation des partis sur une carte. Si le rouge, couleur traditionnelle des communistes, marque bien une différence avec le rose, il n'en est pas de même pour le bleu du parti Les Républicains et le bleu marine voulue par le Front national. De plus, le bleu foncé a souvent été utilisé pour définir les partis divers droites, comme le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers ou l'UPR de Charles Pasqua.
D'où le fait d'utiliser, dans certains cas et certains médias, le noir et le marron. Ces couleurs-là font néanmoins polémiques car elles sont depuis le siècle dernier associées aux fascistes italiens («les chemises noires», sachant que le noir est également la couleur de l'anarchisme) ou aux nazis (les «chemises brunes»).
Arnaud Mercier estimait également après les élections municipales de 2014 que les couleurs «autre que le bleu ou le rouge» montrent que le parti est considéré en rupture avec la droite et la gauche, citant par exemple le orange du Modem. Utiliser le bleu marine ferait du parti lepeniste un membre de la droite, ce qui n'est pas un gros mot étant donné qu'il est considéré (bien que Marine Le Pen s'en dédit) comme un parti «d'extrême-droite». Le noir, le marron ou le gris, à l'inverse, le garderait en dehors du «spectre politique traditionnel».
La question de la couleur à donner au Front national est également un sujet de discussion très véhément sur le forum associé à l'article «couleur politique» de l'encyclopédie en ligne Wikipedia.