Ces derniers mois, chaque fois que la presse allemande et étrangère évoque Dresde, c’est presque toujours en référence au mouvement anti-islam Pegida, dont les sympathisants défilent chaque lundi dans le centre-ville historique aux cris de «Wir sind das Volk!» («nous sommes le peuple»). Avant l’apparition de ce mouvement anti-islam dans la capitale saxonne il y a un an, Dresde était plutôt associée aux manifestations pacifiques des citoyens d’ex-RDA qui ont précipité la chute du Mur en 1989, mais surtout à son patrimoine architectural exceptionnel –l’église Notre-Dame, la Voûte verte et le Zwinger, pour ne citer qu’eux– et à Noël.
La ville se targue en effet d’accueillir «le plus ancien marché de Noël d’Allemagne»: le Dresdner Striezelmarkt, qui a lieu cette année pour la 581e fois. On trouve sur ce marché de Noël des spécialités culinaires de Noël typiques de la capitale saxonne, tel le fameux Dresdner Christstollen, ainsi que de l’artisanat issu des monts Métallifères, du nom donné au massif montagneux près duquel est situé la ville, méconnu en dehors des frontières de l’Allemagne mais incontournable sur les tables de fêtes des foyers allemands qui célèbrent Noël: les pyramides de Noël et les «bonhommes fumeurs» («Räuchermännchen» en allemand).
Les manifestations xénophobes dont Dresde est à la fois le théâtre et le foyer ont sérieusement entaché sa réputation ces derniers mois. Et la magie de Noël risque de ne rien y changer, comme le rapporte le quotidien allemand Die Welt: entre janvier et septembre, le nombre de nuitées a chuté de 2,3%, et ce, alors que le nombre de nuitées était en constante augmentation ces dernières années. Rien qu’en 2014 la ville avait enregistré une hausse de 7,6%.
Image ternie
Interviewé par le quotidien, le président de la Fédération du tourisme de Dresde, Johannes Lohmeyer, estime que sa branche connaît aujourd’hui «la crise la plus grave depuis la Réunification». Pour la directrice de l’Office du tourisme de Dresde, Bettina Bunge, il ne fait pas de doute que Pegida a «terni» l’image de la capitale de Noël. Et Jens-Marten Schwass, directeur de l’hôtel de luxe Taschenbergpalais Kempinski, situé en face du Zwinger, ne mâche lui non plus pas ses mots, estimant que l’image de Dresde est actuellement «catastrophique» et indiquant que de nombreuses réservations dans son établissement ont été annulées: cette année, il a deux fois moins de clients qu’en 2014 à la même période.
Dresde conserve certes sa septième place dans le classement des villes allemandes qui attirent le plus de touristes mais a perdu avant tout des touristes allemands: -4,2% cette année, alors que le nombre de visiteurs étrangers est lui en augmentation (+5,7%).
Le secteur du tourisme représente plus de 20.000 emplois à Dresde. Mais aucune stratégie n’a été mise en place par l’Office du tourisme ou la Mairie de Dresde pour redorer le blason de la ville. Comme l’explique le maire FDP (parti libéral allemand) de la ville Dirk Hilbert, il n’existe pas de moyen juridique d’interdire la tenue de la manifestation hebdomadaire.
Cette situation n’empêche pourtant pas certains de tenter d’en tirer profit, comme cet artisan de la région, auquel le quotidien régional Leipziger Volkszeitung consacrait début novembre un reportage, qui sculpte des bonhommes fumeurs tenant des pancartes comme s’il s’agissait de manifestants anti-Pegida.