Deux jours après la fusillade qui a fait quatorze morts à San Bernardino, en Californie, une horde de journalistes visitait en direct la maison des deux tueurs, Syed Rizwan Farook et Tashfeen Malik, abattus par la police. Dans des séquences que beaucoup ont qualifiées de surréalistes, les reporters télé de plusieurs chaînes ont montré à l’antenne les peluches de la fille du couple, le permis de conduire de la mère de Farook, ou encore un livre pour enfants sur le Coran qui traînait là.
"Goodnight Stories from the Koran." Dug up by MSNBC rummaging thru terrorists apt. pic.twitter.com/XwTmGQauhn
— John Nolte (@NolteNC) December 4, 2015
«“Berceuses tirées du Coran”. Trouvé par un reporter de MSNBC fouillant la maison des terroristes.»
Selon une journaliste du Los Angeles Times, près d’une centaine de reporters se sont rués à l’intérieur, et des voisins curieux ont aussi pénétré dans les lieux, juste pour voir.
This happened. We got a glimpse inside the house of the suspects of deadly #SanBernardino shooting. More to come. pic.twitter.com/vQe9FsMpLh
— Marcus Yam (@yamphoto) December 4, 2015
«Voilà. Nous avons pu voir l’intérieur de la maison des suspects de la fusillade meurtrière de San Bernardino. Bientôt plus d’infos.»
Ici, on voit même le journaliste examiner le lit à barreaux du bébé, une scène critiquée sur Twitter:
This is what rock bottom of journalism looks like #SanBernadino pic.twitter.com/gzS6zPZBxb
— Maxim Eristavi (@MaximEristavi) December 4, 2015
«Quand le journalisme touche le fond.»
Scène de crime devenue vide-grenier
Selon MSNBC, le FBI, qui enquête désormais sur l’hypothèse que la fusillade était un acte terroriste, avait déjà eu accès aux lieux et avait donc autorisé l’entrée de la presse. Mais sur CNN, le spécialiste légal de la chaîne a critiqué les actions des reporters, qui ont, selon lui, transformé une «scène de crime» en sorte de «vide-grenier».
Comme le rapporte le Washington Post, alors que le reporter de MSNBC faisait sa visite, on pouvait entendre la présentatrice en studio qui essayait de juguler les images du direct: «ne montre pas les photos de l’enfant», «arrête de montrer les photos».
Après plusieurs minutes, se rendant compte que le cirque médiatique dégénérait, la chaîne a décidé de suspendre son direct. Quelques heures, plus tard, la direction publiait des excuses:
«Nous regrettons d’avoir brièvement montré des images de photos et des pièces d’identité qui n’auraient pas dû être montrées sans vérification.»
Comme l’écrivait Nicolas Santolaria dans Slate.fr au sujet de la couverture médiatique des attentats du 13 novembre, on est là dans une sorte de «porno-actualité», dans laquelle on promet au téléspectateur «un dévoilement total du réel», jusqu’aux décorations kitch dans les toilettes des tueurs.
This is above the toilet in the upstairs bathroom. pic.twitter.com/aTemzYTgAd
— Kate Mather (@katemather) December 4, 2015
«Il y avait ça au-dessus des toilettes dans la salle de bain du haut.»
Le propriétaire de l’appartement, qui avait laissé entrer les journalistes et le voisinage, a ensuite été interviewé par les médias, et a fait des déclarations qui ont renforcé le caractère absurde de la situation:
BREAKING: Killer couple’s landlord tells @ABC7NY, "They didn’t say they were terrorists when they moved in." pic.twitter.com/ltZlOO8xIG
— N. J. Burkett (@njburkett7) December 4, 2015
«URGENT: le propriétaire de l’appartement dit à ABC News: “Ils n’ont pas dit qu’ils étaient des terroristes quand ils ont emménagé.”»