Ne perdons plus de temps dans des combats d’arrière-garde avec les climatosceptiques. Le dérèglement du climat est un fait avéré. Ses conséquences sont perceptibles et d’ores et déjà dramatiques. Comment rester sourd à l’appel des États insulaires d’Océanie clamant le 1er mai dernier «leur inquiétude et leur souffrance» face au dérèglement du climat et demandant à la communauté internationale une révolution lors de la conférence de Paris?
Comme eux et comme beaucoup de nos concitoyens, j’attends de la COP21 un succès de la France et de la communauté internationale, c’est-à-dire un engagement à l’action. Chaque gouvernement devra en conclure des politiques publiques spécifiques. Mais pour tous, l’un des plus grands défis sera de réduire la dépendance aux énergies fossiles responsables de l’intensification de l’effet de serre, à commencer par le charbon.
Ce défi nous oblige à changer nos manières de penser, que l’on soit écologiste ou industriel, gouvernant ou citoyen. La transition énergétique est un mouvement inéluctable, dont les prémices (essor des renouvelables, décentralisation des moyens de production, réseaux intelligents…) vont forcer les acteurs traditionnels du secteur à une adaptation et une flexibilité permanentes.
Faut-il dès lors considérer que le nucléaire, énergie de production massive et centralisée, n’aurait plus sa place dans le New Age énergétique? Je crois le contraire. Le secteur de l’énergie rentabilisant ses investissements sur des décennies, le monde doit recourir dès maintenant à toutes les technologies «bas carbone» disponibles pour amorcer sans délai le lent virage de la transition énergétique. Par la grâce de la physique, le nucléaire est de celles-là, produisant une électricité sans intermittence, compétitive, avec très peu de CO2. Peut-on se passer d’un tel atout?
Le monde peut justement réussir à révolutionner le marché de l’énergie en fixant un prix du CO2 à un niveau suffisant pour dissuader les investissements dans le charbon et en misant sur la complémentarité entre nucléaire et renouvelables. Le choix du «tout renouvelable, tout de suite», qui a abouti en Allemagne à une augmentation absurde des coûts de production et des émissions de CO2, va à l’encontre du but recherché.
Je crois au choix du modèle français, même si lui aussi doit s’adapter. La France, grâce à son mix-électrique nucléaire et hydraulique, s’est placée à l’avant-garde des pays engagés dans la lutte contre les gaz à effets de serre. Si le nucléaire a beaucoup apporté à notre pays en termes d’indépendance et de développement économique, il doit aujourd’hui accompagner le développement des énergies nouvelles. Je mesure l’importance des défis à relever: garantir le plus haut niveau de sûreté après le traumatisme de Fukushima, réaliser le grand carénage de la flotte française, améliorer à court terme la compétitivité de l’EPR et développer de nouveaux réacteurs à plus long terme, apporter des solutions concrètes à la gestion des déchets, investir massivement dans l’efficacité énergétique et les nouvelles énergies… Ces défis sont à la portée des grands industriels français, avec l’appui de l’État garant d’une vision de long terme.
En France comme dans beaucoup de pays d’Europe, il faut reléguer aux oubliettes le vieux débat sur l’énergie, focalisé sur l’antagonisme supposé du nucléaire et des renouvelables. Ce vieux débat n’a déjà plus lieu d’être dans les pays d’Asie qui, sous la double pression de la croissance économique et de la pollution des villes, sont en train d’engager simultanément d’ambitieux programmes d’infrastructures nucléaires et renouvelables. Il faut partout changer de logiciel, passer de l’antagonisme à la complémentarité.
Le nucléaire est une technologie exigeante, qui se conçoit dans des conditions de transparence et de sûreté complètes, mais une technologie indispensable si le monde veut gagner le combat du climat.