Le nombre de régions métropolitaines ne va passer de 22 à 13 qu'à partir du 1er janvier 2016, mais les élections régionales qui se tiennent le 6 et 13 décembre prennent déjà en compte le redécoupage territorial. On aurait pu penser que les médias accorderaient plus de place à chaque région mais, quand on parcourt les titres de la presse, une grande partie d'entre eux se concentrent sur trois d'entre elles: le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, la Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Île-de-France. Les deux premières pourraient voir le FN vainqueur pour la première fois et la dernière pourrait voir la droite récupérer un territoire qui lui échappe depuis 1998.
Mais si l'on se penche sur les autres régions, y compris en dehors de la métropole, on réalise très vite que d'autres enjeux tout aussi intéressants, politiques ou économiques, existent et, très souvent, découlent de la réforme territoriale. En voici un pour chacune des régions en jeu lors du scrutin.
1.Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine
Alors que l'élection semble s'orienter vers un duel entre le Front national (Florian Philippot) et l'union de la droite (Philippe Richert), l'une des grandes questions sera de savoir comment cette nouvelle région, fusion de trois autres, va gérer sa relation avec les pays frontaliers. «L'Acal» comptera 500 kilomètres de frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et la Suisse, et près de 160.000 travailleurs frontaliers, ce qui va poser des questions dans la gestion des déplacements quotidiens. Le déraillement accidentel d'un TGV d'essai, qui a fait 11 morts le 14 novembre dernier, a entraîné la suspension de la très attendue ligne à grande vitesse de l'Est.
2.Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes
Comme Les Echos l'expliquent sur leur site, cette région comptera au total plus de 85.000 exploitations agricoles, faisant de l'«ALPC» la plus importante d'Europe dans le domaine. Mais comme pour d'autres fusions de régions, des inégalités surgissent: l'Aquitaine, grâce à son vin, s'en sort remarquablement bien, mais les les éleveurs du Limousin ou de Dordogne souffrent du prix des céréales. L'enjeu consistera donc à équilibrer les richesses entre les anciennes régions pour permettre à l'ALPC d'assumer son nouveau statut européen.
3.Auvergne-Rhône-Alpes
Il s'agit d'une fusion assez déséquilibrée sur le papier. D’un côté, l’Auvergne, quatre départements, 1.310 communes, 1,3 million d’habitants, 34 milliards d'euros de PIB. De l’autre, Rhône-Alpes, deux fois plus de départements, 2.879 communes, près de 6,5 millions d’habitants et 193 milliards d'euros de PIB. Le risque? Isoler l’Auvergne face à la riche métropole lyonnaise.
Il y a quelques mois, Rue89 Lyon se demandait ainsi si l’Auvergne ne serait pas un «poids» pour sa voisine. Néanmoins, elle bénéficie d’atouts en matière d’agriculture, d’industrie aéronautique et de manufacture de produits de luxe. Tout dépendra des projets que le prochain conseil régional mettra en place pour s’assurer que le mariage entre deux régions que tout opposait se fasse sans douleur.
4.Bourgogne-Franche-Comté
Ici, la surprise pourrait venir de Sophie Montel, très peu connue mais étoile montante du Front national. France TV Info, qui déroule son long CV au sein du parti, rappelle qu'«un sondage BVA [...] a fait l'effet d'une bombe, en la créditant de 35% des voix au second tour». Rien est écrit d'avance, mais celle qui se décrit comme une «affreuse apparatchik» et une amoureuse des animaux pourrait bien inquiéter François Sauvadet (LR-UDI) et la présidente sortante de Franche-Comté Marie-Guite Dufay (PS)
5.Bretagne
Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, aurait dû quitter son poste au gouvernement en cas de victoire dans la région. Il l'avait promis au nom du principe de non cumul des mandats voulu par François Hollande. Une promesse rompue étant donné le contexte actuel, entre état d'urgence et frappes accrues en Syrie. Celui qui a déjà été président de la région de 2004 à 2012 fait figure de favori mais, en cas d'élection, laissera certainement la gestion de la Bretagne à ses vice-présidents.
6.Centre-Val de Loire
Dans cette région sans modification territoriale, le président sortant PS François Bonneau risque de souffrir de deux handicaps majeurs: la colère paysanne à l'égard du gouvernement et l'unité affichée de l'opposition. Le parti Les Républicains, l'UDI et le MoDem ont trouvé in extremis un accord pour mener une liste commune face aux socialistes, qui leur permet de trôner en tête des sondages. Même le Front national pourrait arriver juste devant la majorité.
7.Corse
Le statut particulier de collectivité territoriale (CTC) confère à la Corse une relative autonomie et plus de pouvoirs que les autres régions. Et avant une nouvelle élection en 2018 après sa réforme définitive, cette élection fait un peu office de «brouillon». On retrouve ainsi douze listes (c'est la deuxième région comptant le plus de listes avec La Réunion), dont cinq à gauche. Chose exceptionnelle, Les Républicains n'ont pas réussi à présenter une liste unique! Une élection qui s'annonce donc très différente du reste de la France.
8.Guyane
Un autre ministre est candidate à ces élections, et pas des moindres: la Garde des Sceaux Christiane Taubira est présente sur la liste Walwari/Guyane Ecologie pour l'élection à la collectivité unique de Guyane. Et si elle n'est que onzième sur la liste en question et qu'elle n'a que peu de chances d'être élue, «[sa] présence n'est pas que symbolique», a estimé la conseillère régionale Line Létard, tête de liste, dans une interview à France TV Info, avant d'ajouter: «Si elle y est, c'est qu'elle porte ce parti, c'est son bébé. Nous sommes très fiers de [sa] présence sur notre liste.»
9.Guadeloupe
La situation peut paraître étrange, mais ce sont bien deux députés de gauche qui vont se disputer le siège de président de région. D'un côté Ary Chalus (DVG), de l'autre Victorin Lurel, ancien ministre des Outre-Mer et président de la région depuis onze ans. Mais ce dernier, critiqué pour ses méthodes, risque bel et bien son poste, de récents sondages le classant second face à Ary Chalus.
10.Île-de-France
Derrière les deux favoris Valérie Pécresse (LR) et Claude Bartolone (PS), un troisième candidat a pour mission d'implanter le Front national dans une région qui lui est pourtant généralement peu accueillante. C'est Wallerand de Saint-Just, ancien avocat de Jean-Marie Le Pen, qui a été investi pour cette mission difficile. Et pour comprendre à quel point il a mis le maximum de chances de son côté, il suffit de l'entendre parler de sa barbe au micro de RTL: «Je l'ai cultivée, coupée, parfumée. Je suis à l'égal des plus hipsters des Français que nous connaissons.» Celui qui vient d'être mis en examen pour des accusations de recel d'abus de biens sociaux pourrait dépasser la barre symbolique des 20%.
11.Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées
Le président de cette nouvelle région, la deuxième plus grande de France métropolitaine, devra apprendre à marier deux territoires très différents et réunis par la réforme territoriale. D'un côté, Midi-Pyrénées, qui bénéficie du dynamisme de l'aéronautique, de l'autre le Languedoc-Roussillon, où le tourisme fait partie des secteurs économiques les plus performants. Et Montpellier a bien peur de perdre de sa superbe face à Toulouse, future capitale de la région et terre d'accueil du géant Airbus. L'ancienne secrétaire d'état Carole Delga reste favorite mais devra se méfier de la dispersions des voix de gauche au premier tour.
12.La Réunion
Bizarrement, cette fois, c'est la droite qui n'a pas réussi à rallier tout ses partenaires habituels pour cette échance électorale. Le président sortant Didier Robert a bien reçu le soutien des Républicains, de l'UDI et d'Objectif Réunion, mais le MoDem a décidé de faire cavalier seul. Cela pourrait poser problème au premier tour à Didier Robert, d'autant plus que le PS croit en ses chances avec Huguette Bello, qui a progressivement rattrapé son retard dans les sondages. Et la victoire se jouera peut-être autour de la NRL, la nouvelle route du littoral, lancée par Didier Robert en 2010 et qui fait polémique depuis.
13.Martinique
Dans cette région dont le président sortant est Serge Letchimy, député apparenté PS, il existe pas moins de quatre listes citoyennes sur les neuf présentées. C'est le cas de la liste «Martinique Citoyenne», qui a tiré ses candidats au sort pour ces élections. Son but est d'«associer le peuple aux décisions qui le concernent», «contrôler et évaluer les choix des élus» et «mettre en œuvre de nouvelles pratiques politiques».
14.Nord-Pas de Calais-Picardie
Tout la donne gagnante haut la main. Marine Le Pen fait figure de grande favorite dans le Nord-Pas de Calais-Picardie et devrait sortir en tête du premier tour. Mais comme l'explique le site Nord Littoral, le second tour s'annonce peut-être plus compliqué. Si Xavier Bertrand (LR) et Pierre de Saintignon (PS) décident de se maintenir tous les deux, sans fusionner leurs listes, alors le Front national sortira gagnant. Mais un bloc anti-FN (LR et PS) au second tour n'est pas une hypothèse à écarter, même s'il semble compliqué à constituer, et pourrait rendre le scrutin beaucoup plus serré.
15.Normandie
C'est selon Ouest-France la région «la plus indécise de France». Un récent sondage est venu remettre le candidat socialiste Nicolas Mayer-Rossignol dans la course avec 34% d'intentions de vote. Mais là encore, rien n'est fait, puisque le même sondage donnait Hervé Morin, tête de liste UDI-LR-MoDem-CPNT, et Nicolas Bay (FN) au coude à coude avec... 33% chacun.
16.Pays de la Loire
Le chantier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui a fait la une des JT il y a quelques mois en raison de l'opposition de nombreux manifestants, refait surface à l'occasion de ces élections. La préfecture vient en effet d'annoncer la reprise des travaux à compter de 2016, au grand dam de la liste la tête de liste Europe Ecologie-Les Verts, Sophie Bringuy, qui a expliqué que cela serait sûrement un obstacle à une éventuelle fusion avec les socialistes. Le débat concerne aussi la droite puisque le parti Les Républicains et le MoDem sont très divisés sur la question de l'aéroport.
17.Provence-Alpes-Côte d'Azur
Avec le Nord-Pas-de-Calais-Normandie, c'est l'une des grandes régions test pour le Front national. Face à Marion Maréchal-Le Pen, Christion Estrosi (LR) est le seul à pouvoir prétendre au titre de président de région. Mais ce qui marque dans cette élection, c'est l'absence totale d'impact de la gauche, qui non seulement ne pourra pas prétendre à un bon score, mais qui n'a même pas réussi à s'unir face au FN et à LR. Néanmoins, Christophe Castaner (PS) pourrait gratter suffisamment de voix pour arbitrer le duel prévu d'avance entre Estrosi et Maréchal-Le Pen.