«Le système antiterroriste français, longtemps considéré comme excellent, est en état de mort clinique.» C’est sur cette phrase, catégorique, que commence une enquête du Monde consacrée aux failles de l’antiterrorisme et publiée le 28 novembre. Les attentats du 13 novembre ont de nouveau braqué les projecteurs sur les services de renseignements de la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, et ses failles en matière de suivi des terroristes responsables des attaques.
Des terroristes qui, ont l'a appris par la suite, avaient laissé derrière eux un certain nombre d’indices. Ainsi, on a récemment vu passer une information selon laquelle la DGSI a été alertée la veille des attentats de l’annonce d’attaques imminentes. Une information très vite démentie par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). «La DGSI a bien sûr ces éléments dans le viseur, mais comme tout le reste. Ces gens ont une stratégie de harcèlement, y compris via les menaces qu’ils laissent fuiter. Si l’on se met à raisonner en termes de cibles potentielles d’attentat et pas en termes de réseaux, on va s’épuiser », explique au Monde une «source proche des services de renseignement».
C’est là que surgit le fond du problème: le nombre de dossiers à suivre et donc la lourdeur des procédures. Le nombre de dossiers judiciaires antiterroristes à été multiplié par cinq les deux dernières années, passant de 34 à 188. Et les personnes signalées comme «radicalisés» et porteurs d’une fiche S sont «plus de 11.000» selon Le Monde (Manuel Valls a récemment évoqué le nombre de 10.500).
L’ampleur de la tâche est si grande que la main d’oeuvre manque, comme l’expliquait l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic dans une interview à l’Obs:
«Il existe autant d'individus à surveiller que d'agents de la Direction générale de la sécurité Intérieure, il faut se rendre compte de cela! Nous sommes en face d'un sous-dimensionnement évident, problématique.»
«Aujourd’hui, il faut avoir l’œil sur les braqueurs qui se radicalisent, les fous capables d’attaquer une base navale au couteau, les vétérans du djihad qui réapparaissent tôt ou tard, les individus qui sortent de prison, les mineurs isolés, et peut-être, désormais, les migrants… Honnêtement, ça fait beaucoup pour une seule DGSI», avait également expliqué une source gouvernementale au journal Libération le 25 novembre dernier.
L’enquête est toujours en cours, et Le Monde se demande à la fin de son article si la réponse à ces manquements ne viendra d'une «européanisation» des services de renseignements. Encore faudra-t-il renoncer à l’inébranlable «souveraineté nationale».