Dès que l'on parle de «prévention du crime», on a en tête la nouvelle de Philippe K. Dick Minority Report (et surtout son adaptation cinématographique, avec Tom Cruise dans le rôle principal). Une société où le crime a été éradiqué au profit d'un enfermement à priori pour les présumés criminels. Mais pour la police de Chicago, le terme de «prévention du crime» prend une autre forme.
Un article de Backchannel explique comment les forces de l'ordre de la ville s'associent à un modèle développé par une équipe de chercheurs de l'Institut technologique de l'Illinois, menée par le Dr Miles Wernick. Cette méthode permettrait de connaître la probabilité qu'un individu soit impliqué dans un moment de violence –que ce soit en tant que victime ou auteur– en se reposant essentiellement sur les informations de son passé criminel. Lors de son intronisation en 2014, The Verge critiquait la possibilité d'un profilage raciste mais l'algorithme, d'après ses créateurs, n'utilise aucune information à propos de l'adresse, la race ou le genre de la personne.
Une lettre envoyée aux éventuels suspects
Selon Jonathan Lewin, chef adjoint du département de police de Chicago, le modèle indique que si un individu se trouve dans les vingt premiers sujets de son district de police, celui-ci a «une chance sur quatre de faire partie d'un acte de violence dans les dix-huit prochains mois».
Là où l'action de la police est primordiale d'après Backchannel, c'est qu'elle prévient les gens des risques qu'ils encourent. Une lettre est d'abord postée aux personnes présentes sur la liste. Cette dernière explique longuement comment l'individu a été identifiée, quels sont les risques, ses dernières arrestations et les différents services d'intervention qui sont à sa disposition (comme les services sociaux, la formation professionnelle ou les cures de désintoxication):
«Nous montrons en fait quels sont les types de crimes dans lesquels ils ont été impliqués et comment ça les place dans un risque plus élevé [d'être impliqué dans un acte de violence à main armée] qu'un citoyen lambda de la ville de Chicago», annonce Robert Tracy, chef des stratégies de contrôle de la criminalité.
Pour la police, «il s'agit de sauver des vies»
Si la volonté de la police peut être assimilée à une surveillance abusive, le membre de la police de Chicago assure que ce n'est pas le but recherché:
«Même pour les personnes qui ont la plus haute propension à la violence, nous cherchons des alternatives pour tenter de leur assurer que nous cherchons à les garder hors de la criminalité ou au moins leur faire savoir nos intentions, “Hé, on vous surveille, mais on veut vous donner des alternatives”.»
Pour les partisans de cette méthode, les personnes concernées ne réalisent même pas le nombre de fois qu'elles ont été arrêtées ou ce qui peut compter comme une arrestation, comme la possession de stupéfiants. Pour Jonathan Lewin, le modèle «n'est pas conçu pour être une punition», il s'agit plutôt «de sauver des vies grâce aux interventions». Une méthode intéressante dans un pays qui compte de nombreuses bavures policières, alors qu'un rapport de Barack Obama préconise aux policiers d'adopter une attitude de «gardien» plutôt que de «guerrier».