Le lendemain des tueries parisiennes du 13 novembre, nous vous résumions un article de blog écrit par Michel Goya, colonel à la retraite et ancien officier de l’état-major des armées, trois semaines auparavant, le 25 octobre 2015. Si le 14 novembre ce papier avait des accents prophétiques, c’était seulement par la lucidité de son auteur. Michel Goya écrivait ainsi à propos d’attentats massifs: «La première des responsabilités serait d’expliquer que cela arrivera très probablement sur notre sol dans les mois ou années à venir.»
Il ajoutait ensuite que ces attaques pourraient prendre «la forme d’un commando venu de Libye éclatant en cellules autonomes de massacre au cœur de Marseille ou d’une équipe de snipers frappant les foules parisiennes une nuit du Nouvel An… ou tout autre procédé pourvu qu’il soit stupéfiant». Il s’interrogeait ensuite sur les suites d’une telle agression pour la politique française et sur le peu de pertinence de la stratégie militaire suivie par la France face à l’islamisme international jusque-là.Un mois après cette première tribune, les inquiétudes de Michel Goya sont loin d’être éteintes, comme le montre ce nouveau post de son blog La voie de l’épée.
Alliances
Selon le spécialiste militaire, la France a agi inconsidérément en s’engageant dans la coalition anti-EI en 2014 alors même que ses armées étaient déjà présentes sur d’autres théâtres d’opération (comme au Sahel), puis n’a jamais consacré suffisamment de moyens à la lutte contre Daech. «Nous étions partis en guerre la fleur au fusil, grosse fleur et petit fusil», écrit l’officier avec son sens de la formule.
D’après lui, il faut à présent cesser de vouloir éliminer les hommes de l’État islamique au moyen de bombardiers ou chasseurs-bombardiers et privilégier l’utilisation (plus risquée mais aussi plus efficace face à des cibles mobiles) d’hélicoptères de combat.
Mais ce n’est pas là l’essentiel de la théorie stratégique de Michel Goya. Le point décisif réside dans le choix des alliances sur le terrain. Plutôt que de s’unir aux Kurdes, aux milices chiites, qui ont largement contribué à l’émergence de l’État islamique en Irak, ou encore aux Syriens de Bachar el-Assad, il préconise de rééditer le coup des Américains en 2007, qui, à l’époque, avait presque réussi à étouffer définitivement l’armée de l’État islamique: passer des accords avec les groupes d’Arabes sunnites de la région et entendre leurs revendications nationalistes ou tout simplement politiques au lieu de les rejeter d’office dans le camp de l’EI.