L'agence fédérale américaine de protection des droits syndicaux, le National Labor Relations Board, est en train d'enquêter sur la politique de représailles antisyndicales de la chaîne d'hypermarchés Walmart.
Le magazine Bloomberg s'est procuré les milles pages de témoignages, e-mails et documents utilisés lors des audiences (le jugement sera connu début 2016), et il en ressort que Walmart a mis en place un système de surveillance des employés qui tentaient de mobiliser leurs collègues pour demander de meilleures conditions de travail.
Une hotline pour les managers
En 2012, lorsque les directeurs de l'entreprise ont entendu que certains employés projetaient de faire grève, ils ont notamment mis en place une «hotline syndicale» permettant aux managers de magasins de dénoncer les travailleurs intéressés par les actions de l'association Our Walmart, qui n'est pas formellement un syndicat, mais permet aux employés de défendre leurs intérêts.
L'article de Bloomberg donne notamment des extraits de certains de ces coups de fil, avec des descriptions comme:
«Magasin de Fairfax en Virginie: un client a commencé à parler des grèves à une caissière et la caissière a répondu qu'elle devrait peut-être faire grève. L'assistant manager pense que la caissière plaisantait.»
Afin de surveiller les militants potentiels, Walmart a embauché des analystes de Lockheed Martin, une entreprise américaine de défense et de sécurité, notamment des experts issus d'une division spécialisée dans «l'analyse de données susceptibles d'inciter des mouvements organisés et des émeutes».
Surveillance via Twitter
Un des analystes était notamment payé pour suivre certains des militants sur les réseaux sociaux, et envoyer les tweets à la direction de Walmart. Ce genre d'espionnage a par exemple permis de faire fermer et vider des bâtiments lorsque la direction apprend que des militants veulent y organiser une action. Une des militantes qui a organisé des manifestations au QG de la chaîne, et qui sait que ses activités étaient suivies de près, a expliqué à la journaliste de Bloomberg:
«J'ai envoyé quelques faux tweets sur nos plans. Je sais pas si ça a marché. Je me demande ce que pensent les gens du fait que Walmart gâche son argent en embauchant Lockheed Martin pour lire mes tweets. Je serais pas contente si j'étais actionnaire.»
Les informations recueillies par Lockheed Martin permettent aussi à l'équipe responsable des «relations syndicales» chez Walmart de faire un classement des magasins où il y a le plus d'activistes.
«Ces magasins sont qualifiés priorité 1, et la direction fait des formations supplémentaires pour les managers et des sessions d'informations pour les employés. Plusieurs membres de OUR Walmart ont décrit des cadres du GQ de Bentonville qui arrivent soudainement dans leurs magasins avec des scénarios en main. Jusqu'à l'année dernière, les nouveaux employées visionnaient une vidéo dans laquelle on pouvait voir une actrice jouant une employée et qui disait: “La vérité, c'est que les syndicats sont des business, des business multimillionnaires qui gagnent leur argent en convaincant des gens comme vous et moi de leur donner une partie de leurs salaires.”»