Sciences / France

Quoi que nous fassions, ce sera vu comme «ce que les terroristes veulent»

Temps de lecture : 2 min

Observer les effets d'un événement n'est pas le meilleur moyen d'en comprendre les causes.

Combattant de l'Etat islamiste, juin 2014 | Reuters/ Stringer Irak
Combattant de l'Etat islamiste, juin 2014 | Reuters/ Stringer Irak

Après les attentats, nous avons vu fleurir des explications de toutes sortes indiquant que ce qui se produisait correspondait exactement à «ce que les terroristes voulaient». Les gens qui ne sortent plus dans la rue? C’est exactement ce que les terroristes voulaient. La France qui augmente ses frappes? C’est aussi ce que les terroristes voulaient. Les invectives contre les musulmans et l’Islam? Voilà encore une fois «ce que les terroristes voulaient».

Mais, remarque Max Abrahms, maître de conférences à l’université Northeastern à Boston, aux États-Unis, ces remarques sont rarement fondées sur une connaissance précise de Daech. Elles reposent le plus souvent sur une simple observation des effets des évènements. Comme si les conséquences des attentats apportaient une justification a posteriori suffisante pour expliquer les motivations de l’organisation terroriste. Or, il s’agit là d’un mécanisme psychologique courant, et qui porte un nom: la théorie de l’inférence, explique Max Abrahms.

Cette théorie est développée par le psychologue Edward Jones, lui-même inspiré par Fritz Heider, théoricien de la psychologie de l’attribution. Nous sommes tous des «psychologues en herbe», un peu «naïfs», explique Fritz Heider. Mais si les explications que nous donnons procèdent d’une certaine logique, elles sont souvent simplistes. Edward Jones donne un exemple: un enfant remarque que sa mère a fermé la porte de la pièce où tous les deux se trouvaient, et la pièce devient plus calme. Le garçon se dit alors que sa mère voulait plus de calme. Et c’est souvent le cas, mais ce peut aussi être un leurre: et si quelqu’un était en train d’épier par la porte?

Daech veut diviser les communautés?

Seule une étude rigoureuse de l’État islamique pourra nous permettre de comprendre leurs intentions, non une observation de la réalité induite par les attaques, plaide Max Abrahms. Mais cela ne veut pas dire que les causes tirées des conséquences observées ne rejoignent jamais les réalités tirées de l’analyse scientifique. Selon le chercheur Pierre-Jean Luizard, les violences observées contre la communauté musulmane seraient bien un des buts de Daech:

«L’État islamique essaie de faire en France ce qu’il a parfaitement réussi en Irak, en multipliant les violences envers certaines communautés, à savoir finir par convaincre les différentes communautés qu’elles ne pouvaient plus vivre ensemble», explique ce directeur de recherche au CNRS.

À la différence de nombre d'entre nous, Pierre-Jean Luizard tire ses conclusions à la suite d’une observation minutieuse de l'organisation terroriste. Pour essayer de comprendre la logique de Daech, nous devrions donc nous en tenir aux analyses de spécialistes, et non aux commentaires de toutes sortes, effectués empiriquement et dans la précipitation.

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