Égalités / France

Après les attentats, le mâle l’emporte encore

Temps de lecture : 3 min

Remarques sexistes, absence de femmes expertes sur les plateaux de télévision... L’actualité tragique ne doit pas faire oublier que nous devons être encore plus vigilants dans son traitement médiatique pour éviter toute forme de sexisme.

Sur le plateau de l’émission «C Dans l'air» mardi 17 novembre: quatre hommes et une seule femme | Capture d’écran France 5
Sur le plateau de l’émission «C Dans l'air» mardi 17 novembre: quatre hommes et une seule femme | Capture d’écran France 5

La gravité des attentats du 13 novembre, qui ont coûté la vie à 129 personnes dans l’est parisien et à Saint-Denis (93), doit-elle faire oublier toute critique du sexisme ordinaire dans les médias ou sur les réseaux sociaux? Pour beaucoup, l’heure n’est pas à la «polémique», mais la critique a aussi du bon quand il s’agit de faire advenir un monde un peu plus égalitaire, et pourquoi devrait-on s’arrêter de s’engueuler alors qu’on le fait bien à longueur d’année?

Dans un billet au ton ironique, «Scoop: Danielle a même un nom!», publié mardi 17 novembre, le site d’info féministe Les Nouvelles News fait entendre sa voix dissonante. Le pure-player rappelle par exemple que ce n’est pas parce que «la petite mamie» est devenue une star des réseaux sociaux pour son discours humaniste et de résilience d’après-13-Novembre qu’on doit uniquement l’appeler par son prénom, Danielle –ce qui est toujours réservé aux femmes et notamment aux femmes politiques– et la définir comme «une petite mamie».

Sur les réseaux sociaux, certains internautes ont d’ailleurs manifesté leur exaspération face à des remarques un peu louches de la part de certains commentateurs, comme notre collaboratrice Titiou Lecoq par rapport à l’assaut du 18 novembre à Saint-Denis et à la présence d’une femme kamikaze:

Omniprésence masculine sur les plateaux

Pourtant, depuis vendredi 13, les critiques pour dénoncer l’invisibilité médiatique des femmes, qu’elles soient expertes ou politiques, sont rares ou périphériques. Et ce, d’autant plus qu’en temps normal le pourcentage de femmes expertes ou des femmes politiques invitées des éditions d’information n’est déjà pas très élevé, de l’ordre de 20% –ce qui est très loin des exigences de parité qu’on pourrait souhaiter.

Sur Twitter, plusieurs journalistes et militantes ont toutefois pointé du doigt l’omniprésence masculine sur les plateaux de télévision et à la radio.

Le sexisme n’est pas en deuil

@EloiseBouton

Certains répondront que la défense, le terrorisme, l’islam sont des sujets où les femmes sont bien moins présentes. Pour remédier à l’invisibilité des expertes, le collectif des femmes journalistes Prenons la une rappelle cependant qu’il existe un «Guide des Expertes» qui compile des centaines de contact de femmes universitaires à destination des journalistes.

Et les femmes spécialistes de l’islam contemporain, du terrorisme ou de Daech y sont bien présentes: Amel Boubekeur, professeure à l’université Pierre-Mendès-France, Grenoble 2, Séverine Labat, de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Marie Kortam, de l’université Paris-Diderot, ou Agnès Levallois, consultante sur les questions de terrorisme et de géostratégie. Pour ne citer qu’elles.

On peut comprendre qu’en période de crise, alors que l’émotion propre au deuil l’emporte sur la froideur de l’analyse, la critique du sexisme dans les médias passe à la trappe. Mais, comme le précise Alice Coffin, journaliste et militante du collectif féministe La Barbe, cela montre surtout qu’«on est au paroxysme du jeu de la masculinité et de la grande fiction virile». «Congrès: 3 oratrices - 10 orateurs, la guerre c’est un sujet d’hommes...» s’est exprimée sur Twitter lassée la sénatrice UDI Chantal Jouanno lundi 16 novembre.

D’ailleurs, alors qu’à Slate.fr nous tentons habituellement (avec des analyses critiques sur la domination masculine dans les médias, l’absence de représentativité des femmes, ou les stéréotypes sexistes) de déconstruire les comportements sexistes, nous avons aussi été pris par l’urgence et la singularité de la situation. Une interrogation –ou plutôt un appel à la réflexion– demeure: n’est-ce pas dans ces moments de crise, justement, que l’exigence et la vigilance pour faire face au sexisme sont les meilleures conseillères? Afin que le mâle ne l’emporte plus.

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