En octobre dernier à Istanbul, le journaliste américain Michael Weiss, auteur du livre EI: au cœur de l'armée de la terreur, a interviewé une ancien espion de Daech pour le Daily Beast. Abu Khaled, un pseudonyme utilisé pour protéger la source, a récemment quitté le groupe djihadiste et a accepté de rencontrer le journaliste pour parler du fonctionnement de l'organisation, après des semaines de discussions via Skype et WhatsApp.
Les deux premiers volets de cette série de quatre articles sont déjà en ligne sur le site du magazine, et on y apprend notamment qu'Abu Khaled, un Syrien anglophone et francophone, avait tenté d'organiser un bataillon (une «katiba») de soixante-dix francophones.
Les bataillons homogènes dissous
Jusqu'à peu, les bataillons de Daech étaient regroupés par nationalité et par langue. Par exemple, pour la katiba Anwar al-Awlaki, du nom d'un imam radical américain tué par un drone au Yémen, tout était traduit en anglais. Mais ces bataillons ethniquement et linguistiquement homogènes sont en train d'être dissous, car les membres d'un groupe de 750 Libyens étaient devenus plus loyaux à leur émir libyen qu'au leadership de l'EI.
Abu Khaled explique aussi comment les candidats aux attentats suicide se font connaître dès le début de leur formation:
«Quand tu rejoins Daech, pendant les cours d'introduction, ils demandent: “qui veut être martyr?” Les gens qui lèvent la main vont ensuite dans un groupe séparé.»
Pendant la période de recrutement la plus intense, vers septembre 2014, Abu Khaled dit que chaque jour, environ 3.000 combattants étrangers rejoignaient l'EI. Le chiffre est depuis tombé à 50 ou 60.
Créer des cellules dormantes partout dans le monde
Cette baisse est en partie liée à la bataille de Kobané contre les forces kurdes en fin 2014, dans laquelle environ 4.000 djihadistes, la plupart étrangers, sont morts. Ces événements avaient notamment mené à une réorientation de la stratégie de Daech.
«La chose la plus importante pour eux, c'est de créer des cellules dormantes partout dans le monde. [Le leadership de l'EI] demande aux gens de rester dans leurs pays et de se battre là-bas, de tuer des gens, de faire sauter des immeubles, tout ce qu'ils peuvent faire. Ils leur disent qu'ils ne sont pas obligés de venir.»
Abu Khaled évoque également l'organisation des services de sécurité de Daech, qui sont en grande partie dirigés par des Irakiens issus des services secrets et de l'armée de Saddam Hussein. Il y a Amn al-Dakhili, le ministère de l'intérieur, Amn al-Askari, les renseignements militaires, Amn al-Kharji, les renseignements étrangers, et Amn el-Dawla, sorte de FBI de l'État islamique, dont Abu Khaled était membre.