Dans une vidéo postée samedi 14 novembre sur YouTube, le collectif de hackers Anonymous a annoncé qu’il allait «traquer» les membres de Daech comme il avait «pu le faire depuis les attentats de Charlie Hebdo»:
«Attendez-vous à une réaction massive d’Anonymous. Sachez que nous vous trouverons et que nous ne lâcherons rien. Nous allons lancer l’opération la plus importante, jamais réalisée contre vous. Attendez-vous à de très nombreuses cyber-attaques. La guerre est déclenchée. Préparez-vous. Le peuple français est plus fort que tout et se relèvera de cette atrocité encore plus fort, sachez-le.»
Quelques heures plus tard, c’est Anonymous Canada qui a promis de «coordonner une série d’attaques informatiques sans précédent», rapporte Le Parisien.
Il est cependant difficile de savoir si ces annonces seront suivies d’effets. Pour l’instant, aucun #TangoDown –synonyme de compte désactivé– n’est ainsi apparu sur Twitter avec le hashtag #OpParis.
Guerre sur internet
Anonymous est une entité à part. Elle ne possède ni hiérarchie, ni commandement, et n’importe qui peut s’en réclamer. Ce qui signifie que le message de samedi 14 et de ce lundi 16 peuvent être aussi bien de la poudre aux yeux lancée par une personne derrière son ordinateur qu’une véritable menace proférée par des milliers de personnes.
L’un des principaux comptes, YourAnonNews, n’a pas relayé ces annonces. La grande spécialiste du mouvement, Gabriella Coleman, ne s’en était pas, non plus, fait l’écho, jusqu'à sa publication sur le site de NBC:
Kinda amazed that a video by Anonymous is worthy of news https://t.co/hbHpMULtBb
— Gabriella Coleman (@BiellaColeman) 16 Novembre 2015
Assez surprise qu'une vidéo d'Anonymous vaille le coup d'un article.
Un autre, GroupAnon, a rappelé l’investissement d’Anonymous contre Daech:
Make no mistake: #Anonymous is at war with #Daesh. We won’t stop opposing #IslamicState. We’re also better hackers. #OpISIS
— Anonymous (@GroupAnon) 15 Novembre 2015
«Ne vous y trompez pas: Anonymous est en guerre contre Daech. Nous n’arrêterons pas de nous opposer à l’État islamique. Nous sommes également de meilleurs hackers.»
Ce n’est pas la première fois qu’Anonymous annonce vouloir s’en prendre au groupe terroriste. L’opération #OpISIS en est l’un des meilleurs exemples. Dans un long article publié vendredi 13 novembre sur Foreign Policy, E.T. Brooking revenait en longueur sur la guerre menée en ligne par Anonymous contre Daech. Au moment de la publication, les hacktivistes annonçaient avoir démantelé 149 sites internet liés à l’organisation terroristes, signalé 101.000 comptes Twitter et 5.900 vidéos de propagande. Et ces signalements sont visiblement utiles. Le 9 avril dernier, Twitter annonçait suspendre 10.000 comptes liés à l’organisation terroriste.
Weekly stats from #CtrlSec Please support @GhostSecGroup @KatNarv @Ctrlsec_FR & @Ctrlsec_AR Happy Hunting! pic.twitter.com/UxZB7hzr5y
— CtrlSec (@CtrlSec) 13 Novembre 2015
«Statistiques hebdomadaires de CtrlSec. Bonne chasse!»
Pour l’un de ces hacktivistes qui opère avec GhostSec et non plus avec Anonymous, «si l’on brise leurs canaux de communication [et plus particulièrement les sites qui cherchent à recruter de nouveaux djihadistes], il y aura moins de forces ennemies à combattre».
Comme le conclut E.T. Brooking à la fin de son article, «la vérité, c’est que, face à des événements comme la chute de Palmyre ou de Ramadi, cette guerre sur internet semble minime. Bannir des comptes Twitter, éliminer des sites, et même identifier des militants ne stoppera pas Daech. Cela n’arrêtera pas le flot de djihadistes qui viennent du monde entier pour commencer une nouvelle vie –ou se battre pour– le califat autoproclamé. Cela ne libèrera jamais la Syrie et l’Irak. Mais ce n’est pas forcément le but. Le but de cette campagne numérique contre Daech, et que les hacktivistes qui la mènent répètent encore et encore, est simplement de repousser, de former une résistance là où avant il n’y avait rien».
À l'inverse, interrogé par l'AFP, le spécialiste en sécurité informatique Olivier Laurelli, alias Bluetouff, n'est pas sûr que faire fermer ces comptes soit une bonne idée.
«"C'est plus gênant pour les forces de police qu'autre chose." Pour lui, "faire fermer ces comptes, c'est rendre les services de police sourds et aveugles sur certains trucs". Les données des comptes twitter peuvent être des sources d'informations pour les autorités qui cherchent à en exploiter, notamment, les données géographiques. "C'est intéressant de savoir que tel compte est en France tel autre en Syrie ou en Irak", explique le blogueur.
Sur les réseaux sociaux, les liens entre les personnes peuvent également être intéressants. "Si on voit qu'une personne, qui a été mise en cause lors des attentats, était en relation avec telle autre personne, c'est très intéressant pour les service de police", note Olivier Laurelli.»
Il rappelle également avec quelle facilité certains arrivent derrière à réouvrir un autre compte, juste après la fermeture du premier.
Cet article a été mis à jour avec les réactions de Gabriella Coleman et d'Olivier Laurelli