«Quand ça pète, il est là. Sans discours idéologique, courageux, sans faire tout un scandale. En ayant pleine conscience des valeurs démocratiques. Beaucoup de journalistes ont décrit ainsi la politique menée en temps de crise par le chancelier aujourd'hui décédé Helmut Schmidt dans leurs nécrologies. Mais on parle ici de François Hollande.»
Voilà comment le journaliste allemand Georg Blume, correspondant à Paris de l'hebdomadaire Die Zeit –dont l'ancien chancelier Helmut Schmidt (SPD), décédé cette semaine à l'âge de 96 ans était justement un des directeurs de la rédaction– décrit le comportement du président français, qui se trouvait lui-même au stade de France où il assistait au match amical France-Allemagne, après les six attentats qui ont frappé hier soir l'Est parisien.
Une absence de pathos
Georg Blume salue le fait que François Hollande se soit rendu la nuit dernière au Bataclan pour y tenir une première allocution, loin des ors de l'Élysée:
«Cette nuit-là, c'est à peine au bout de quelques heures que le chef de l'État français s'est rendu en personne dans une salle de concert pleine de cadavres, au cœur du Paris nocturne.»
Et rend hommage à son discours dénué de pathos et de terminologie guerrière:
«À nouveau, comme en janvier, Hollande a évité de parler d'une guerre et a renoncé à utiliser un vocabulaire militaire. Ce n'est que le lendemain, lorsque l'État islamique a reconnu les attentats, qu'il a alors qualifié les attentats d'“acte de guerre”. Mais sur un ton mesuré, qui n'appelle pas à la confrontation militaire. Très différent de celui du président américain George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2011 –et ce alors que tous les commentateurs français voulaient mettre le “mot G” (“guerre”) dans la bouche de Hollande.»
L'allocution tenue hier par le président français devant le Bataclan est consultable sur le site internet de France Info, celle tenue aujourd'hui à l'Élysée sur le site du Monde.
L'allocution tenue hier au Bataclan aujourd'hui par le président français est consultable sur le site internet du Monde.
Éviter le spectre de la peur
Le journaliste allemand rend aussi hommage à son refus de dramatiser la situation:
«Hollande n'était également pas là pour se livrer à d'autres dramatisations, même après cette nuit qui est la pire des nuits parisiennes depuis la Seconde Guerre mondiale. Pas de “liberté, égalité, fraternité”, comme ce qu'a prononcé, en français d'ailleurs, le président américain Barack Obama depuis Washington.»
Il note avec dépit que le courage d'Hollande, sa détermination à ne pas céder à la rhétorique facile d'un discours populiste en brandissant le spectre de la peur ne lui permettra sans doute pas de gagner en popularité auprès de ses concitoyens, comme l'ex-chancelier Helmut Schmidt en a déjà fait les frais par le passé:
«Le manager de crise Helmut Schmidt a lui aussi finalement échoué en menant une politique étrangère et de sécurité qui rétrospectivement était tellement judicieuse, mais qui ne servait suffisamment les peurs et les sentiments des Allemands du temps de la Guerre froide.»