Nous publions une série de cinq articles sur le soixantième anniversaire de la naissance de la Chine communiste. Cette deuxième partie revient sur l'aura qui, depuis 1949, entoure encore Mao. A lire aussi, la première partie: «Les hommes de la révolution chinoise».
Les transformations de la société et de l'économie chinoise sont évidentes mais le souvenir de Mao Zedong est insubmersible. Ses premières années de pouvoir restent exemplaires. La propagande officielle s'y ressource régulièrement.
En 1949, les maoïstes, qui se sont appuyés sur les masses paysannes, estiment prioritaire de développer une industrie chinoise. Les quelques usines installées sous le Kouo-Min-Tang ou sous l'Empire à la fin du XIXe siècle sont loin d'être à l'échelle des besoins de développement du pays. «La Chine doit même importer ses allumettes» s'offusque un ministre de Mao.
Avec l'aide d'experts soviétiques, des industries lourdes et légères sont créées de toutes pièces en moins de dix ans. Un succès dont les historiens chinois disent aujourd'hui qu'il a tourné la tête des dirigeants de l'époque. En 1958, ces derniers sont persuadés que la Chine peut rapidement dépasser l'économie anglaise et entrer dans le communisme avant l'URSS. Le «Grand-Bond en avant», oblige à construire partout des hauts-fourneaux aux dépens de l'agriculture. Utopie qui provoque de catastrophiques famines. Mao fait son autocritique.
A la fin des années 90 le mouvement de réformes qui va permettre à la Chine de devenir mondialement compétitive se réfère au souci de modernisation des débuts du régime. Beaucoup de grandes entreprises d'Etat ont été supprimées, mais dans la crise économique actuelle, le plan de relance chinois s'appuie largement sur un capitalisme d'Etat dont les racines remontent aux années 50.
En 1966, la révolution culturelle est une autre dérive. Mécontent d'être en partie marginalisé, Mao appelle à déstabiliser le pouvoir qu'il a mis en place dix-sept ans plus tôt. Avec les gardes rouges et la bande des quatre, le pouvoir vire au gauchisme, des fonctionnaires sont battus à morts, des dirigeants historiques sont envoyés à la campagne. Deng Xiaoping est de ceux-là. Mais lorsqu'en 1978, deux ans après la mort de Mao, il devient l'homme fort du pays, il se garde bien de démaoïser.
En 1980, il l'explique à la journaliste italienne Oriana Fallaci: «Avant les années 60, beaucoup des idées de Mao Zedong nous ont conduit à la victoire et les principes fondamentaux qu'il avançait étaient corrects. Malheureusement, au soir de sa vie et particulièrement pendant la révolution culturelle, il a fait des erreurs -et non des moindres- qui ont apporté beaucoup de malheurs à notre parti, notre Etat et notre peuple». Mais Deng Xiaoping poursuit: «Quand nous évaluons les mérites et les erreurs de Mao Zedong, nous disons que ses erreurs sont secondaires. Ce qu'il a fait pour la Chine ne pourra jamais être effacé.»
Le portrait de Mao peut donc rester sur l'entrée principale de la Cité interdite tandis que les victimes de la Révolution culturelle sont réhabilitées. Le Grand Timonier et la période qu'il incarne n'en finissent pas d'être une source d'inspiration pour peintres et cinéastes chinois.
Les institutions sont un autre domaine de continuité. «La politique est au poste de commandement» avait décrété Mao. Les gouverneurs de régions, les maires d'agglomérations, les directeurs d'entreprises sont systématiquement doublés par des secrétaires du parti qui possèdent le véritable pouvoir.
Au sommet du PC, le pouvoir est aux mains de neuf dirigeants. Ils font partie des 22 membres du bureau politique et des quelques deux cents délégués du comité central. Mao a largement montré qu'il pouvait destituer violemment ceux qu'il avait nommés aux plus hautes fonctions. Deng Xiaoping qui est mort en 97, a remplacé successivement deux secrétaires généraux du PC (Hu Yaobang puis Zhao Ziyang) puis désigné Jiang Zemin en 89 et indiqué en 92 qu'en 2002 le poste devait revenir à Hu Jintao. Le mandat de ce dernier s'achève en 2012 et pour la première fois le choix de son successeur va se faire sans l'autorité d'un membre fondateur du pouvoir.
Ce régime politique affirme se situer dans une phase transitoire du socialisme qui passe par la nécessité de l'enrichissement d'une part importante de la population. Une conception libérale qui amène certains intellectuels à dénoncer un retour à l'égalitarisme maoïste dès que le gouvernement augmente les aides aux plus défavorisés. Le parti communiste qui comptait 4 millions de membres en 1949 en a 80 millions aujourd'hui. Outre des épreuves de marxisme-léninisme, ceux qui veulent prendre leur carte doivent subir tests psychologiques. Un signe de modernité que n'avait pas envisagé Mao.
Richard Arzt
Demain, le troisième volet sur les relations internationales de la Chine populaire. Relire le premier volet: «Les Hommes de la révolution chinoise»
Image de une: rassemblement pour le 60e anniversaire de la Chine, 29 septembre 2009, à Jilin, Chine/ Reuters