En Roumanie, une disposition juridique permettait aux détenus produisant un travail académique de demander une remise de peine. En 2013, une réforme a élargi cette possibilité: depuis, les prisonniers qui écrivent un livre peuvent se voir accorder une remise de peine de trente jours, apprend-on dans The Economist. Une initiative qui n’a rien de culturel et ne s’inscrit pas non plus dans une politique de réinsertion des délinquants: la remise de peine est accordée quelle que soit la qualité de l’œuvre produite et il s’avère que ce sont les élites corrompues qui profitent le plus de cette porte de sortie.
Les moyens mis à disposition pour l’écriture parlent d’eux-mêmes: ils sont inexistants. Les détenus n’ont accès qu’à des bibliothèques très peu fournies, ils sont privés d’ordinateur et doivent rendre un manuscrit écrit à la main. Résultat: d’après les journalistes roumains, les détenus fortunés engagent des «nègres», qui écrivent à leur place, se font parvenir illégalement le texte, qu’ils recopient ensuite stylo en main.
Plagiat
À titre d’exemple, Gheorghe Copos, un entrepreneur et ancien ministre, a rendu un ouvrage sur les alliances matrimoniales des dirigeants roumains au Moyen Âge, livre pour lequel il a été accusé de plagiat mais qui lui a néanmoins valu trente jours de remise de peine. Giga Popescu, ancienne star du football condamnée pour blanchiment d’argent, a lui «écrit» quatre livres, dont un contenant plus d’images que de texte sur sa relation avec Steaua Bucharest, le club de foot qui lui appartient.
Et il n’est pas si surprenant que cette disposition ne soit pas supprimée: le Premier ministre Victor Ponta va se retrouver devant le juge pour une affaire de corruption, lit-on toujours dans The Economist. Reste une petite lueur d’espoir, incarnée par la direction nationale de répression de la corruption, qui souhaite depuis avril modifier la loi. Si elle y parvient, ce sera un coup double: pour la justice et la littérature.