Dimanche, c'était jour d'élections dans deux pays d'Europe.
En Allemagne, les citoyens étaient appelés à se prononcer sur le prolongement du mandat de Madame Merkel et sur la suite à donner à sa coalition avec le SPD.
La Chancelière triomphe mais avec l'un des plus faibles scores réalisés par la CDU depuis la guerre (33% des voix).
Le SPD s'effondre plus encore. Et c'est le parti libéral qui rafle la mise et devient le nouveau partenaire d'une majorité tournée davantage à droite.
Au Portugal, l'enjeu était de reconduire ou pas le Premier ministre socialiste José Socrates. Celui-ci sort gagnant du scrutin, mais perd sa majorité absolue au Parlement. La droite, divisée, est au plus bas, et la gauche de la gauche sur deux listes différentes, au plus haut (20%).
Quelles leçons tirer de ces deux consultations, un an après le déclenchement de la crise?
1. Les partis au pouvoir fléchissent, mais ne rompent pas. Leur érosion témoigne du mécontentement de l'électorat, leur solidité de sa crainte de tout changement. L'ordre et la stabilité deviennent des valeurs refuges.
2. Les petits partis prospèrent, où qu'ils se situent, plus à droite ou plus à gauche. Ils véhiculent la protestation et ne s'embarrassent pas du poids encombrant du réalisme. La crise les nourrit, mais pas suffisamment pour les rendre incontournables.
3. L'idéologie paraît secondaire. Centre droit et centre gauche sont regardés comme l'avers et le revers de la même pièce. Ils subissent le même déclin, celui des forces de gouvernement, auxquels les peuples livrent leur destin mais sans enthousiasme ni plus guère de confiance.
4. La social démocratie n'est plus identifiée comme un modèle à l'échelle de l'Europe, mais considérée pays par pays dans sa version locale. Moderniste à Lisbonne, usée à Berlin. Elle s'en sort quand elle dispose d'un vrai leader, Socrates au Portugal. Elle glisse en Allemagne, faute de trouver un remplaçant sérieux à Gerhard Schröder.
5. La gauche de la gauche progresse, elle publie des communiqués de victoire, bombe le torse et fait la leçon à coups de menton. Mais elle ajoute la nuisance à l'impuissance quand elle prend pour cible le seul parti avec lequel elle pourrait un jour gouverner: celui des socialistes. Elle construit ses succès sur la défaite de son camp.
6. Les verts plafonnent à moins de 10%. Nulle poussée écolo outre-rhin, pas davantage dans la péninsule. Un mouvement s'installe néanmoins en Europe, mais sans la dynamique que confère une alliance stratégique.
Chacun trouvera ici les analogies qui lui conviendront, et évaluera ces résultats à l'aune de ses préjugés. Je préfère en rester au constat. C'est la clarté, la cohérence et la crédibilité qui permettent de construire une victoire. C'est en étant soi-même qu'une force de gouvernement peut avoir une chance d'y accéder ou d'y rester. A douter de soi, on finit par faire fuir ses électeurs, cette leçon vaut aussi pour la France à travers les élections partielles.
François Hollande
Image de Une: Dans un centre de vote à Berlin, REUTERS/Christian Charisius