Benyamin Netanyahou a une nouvelle fois dérapé tenant des propos qui semblent tout droit sortis de la bouche d'un négationniste. Selon le Premier ministre israélien, Hitler n'aurait pas eu l'intention d'exterminer les Juifs d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale seulement de les expulser… jusqu'à ce que le Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini, principal dirigeant de la Palestine alors sous mandat britannique, lui en fasse la suggestion lors d'un entretien en novembre 1941.
La phrase du Premier ministre a provoqué la colère d'une partie de la classe politique israélienne et de nombreux historiens spécialistes de la Shoah qui dénoncent une contre-vérité historique.
Comme le souligne Le Point, l’antisémitisme du Grand Mufti et ses liens avec le nazisme sont indéniables. Ainsi, «en 1929, il inspire le premier grand pogrom à Jérusalem et se rapproche dans les années 1930 des nazis qui le financent. À partir de 1939, il installe au sud de Berlin une radio qui émet en arabe vers le Proche-Orient, diffusant des programmes antisémites et en 1941, il suscite le putsch pro-allemand en Irak. En 1940, dans un brouillon, il écrit: «L'Allemagne et l'Italie reconnaissent aux pays arabes le droit de résoudre le problème juif.» Il ne cesse de souligner les points communs entre islam et nazisme… En 1943, lorsque Himmler veut échanger 20 000 prisonniers allemands contre 5 000 enfants juifs qui auraient émigré en Palestine, le grand mufti combat avec succès ce projet, de même qu'il empêche plusieurs milliers d'enfants juifs bulgares, roumains et hongrois, d'émigrer au Proche-Orient. Il est donc responsable de la mort de milliers de juifs…».
De là à en faire l’instigateur de la solution finale, il y a un pas considérable. Benjamin Netanyahou s’appuie, en la déformant, sur la thèse d’un ouvrage universitaire reconnu publié en 2014 par Yale University Press et intitulé Nazis, Islamists, and the Making of the Modern Middle East. Il est rédigé par les historiens Wolfgang Schwanitz et Barry Rubin.
Le chercheur et universitaire spécialiste de l’histoire du Moyen-Orient, Wolfgang Schwanitz considère qu’al-Hajj Amin al-Husaini a eu un impact sur la décision prise par Hitler d’exterminer de manière systématique les juifs d’Europe. La fameuse solution finale a été mise en place sur le plan logistique lors de la Conférence de Wannsee en janvier 1942. La conférence de Wannsee est convoquée au lendemain de la rencontre entre Adolf Hitler et le mufti de Jérusalem Haj Amin al-Husseini le 28 novembre 1941. Rien ne prouve l’existence d’un lien direct entre les deux événements.
Pour la plupart des historiens, la solution finale a déjà commencé avant novembre 1941: pas par l’utilisation des camps d’extermination qui interviendra après la Conférence de Wannsee, mais par celle des exécutions de masse des communautés juives à l’est de l’Europe.
Wolfgang Schwanitz explique au site Middle East Forum, «n’avoir jamais entendu parler du dialogue entre Hitler et al-Husseini rapporté par Netanyahou…». Mais il souligne que «c’est un fait historique que la collaboration avec Hitler du Grand Mufti de Jérusalem a joué un rôle important dans l’holocauste. Il était le plus important conseiller non européen dans le processus de destruction des juifs d’Europe».
L’historien ajoute que «selon le témoignage de dirigeants nazis al-Husseini était l’un des instigateurs du génocide…». L’adjoint d’Adolf Eichmann au bureau des affaires juives, Dieter Wisliceny, a déclaré au procès de Nuremberg: il me semble que le Grand Mufti, qui a vécu à Berlin à partir de 1941, a joué un rôle, d’une importance non négligeable, dans la décision du gouvernement allemand d’exterminer les juifs d’Europe.»
Et dans ses mémoires écrites à Damas, explique Wolfgang Schwanitz, «le Mufti a admis avoir conseillé Hitler et d’autres dirigeants nazis et avoir été parfaitement informé du meurtre de masse en cours».