Les sondages des élections régionales sont pleins de surprises. Et particulièrement dans le Nord-Pas-de-Calais, où les électeurs ne sont pas à une contradiction (apparente) près, selon une enquête BVA.
1.Enjeux régionaux vs nationaux
Premier de ces paradoxes, les sondés ont indiqués qu’ils s’apprêteraient à voter en majorité en fonction d’enjeux régionaux (à 62%)... tout en affirmant qu’ils voteront en très large majorité au second tour pour Marine Le Pen, une candidate qui n’a pas fait des enjeux régionaux sa priorité, loin de là. La présidente du FN a en effet affirmé que la présidentielle était «la reine des élections», manière de dire que le véritable enjeu pour elle n’était pas en 2015, mais en 2017. «Je suis confrontée à un problème de calendrier, entre l’élection régionale et présidentielle», avait-elle affirmé en mai, hésitant encore à se lancer dans la bataille.
Toutefois, sur ce point, le sondage de BVA n’est pas parfaitement clair. Interrogés sur les «critères les plus déterminants» dans leur choix de vote, les sondés ont placé «la situation économique et sociale de la France» bien avant (43%) le «bilan de leur conseil régional» (28%), manière de dire sans doute que ce qui impacte le plus leur région n’est pas l’action du Conseil régional mais bien la politique du gouvernement.
2.Intentions de vote vs souhaits de victoire
Autre ambiguïté de ce sondage: les réponses des personnes interrogées montrent un écart entre les intentions de vote et le «souhait de victoire». Côté intentions de vote, lorsque l’on demande aux électeurs pour qui ils voteront au deuxième tour, près de la moitié d’entre eux affirment donc qu’ils voteront pour Marine Le Pen (46%) contre 29% pour LR et 25% pour le PS. Un tiers des sondés ne s’expriment pas, et ne sont pas comptabilisés dans ce calcul, puisque le vote blanc n’est pas reconnu.
En revanche, côté souhait de victoire, l’avance de Marine Le Pen se réduit très fortement. Seulement 28% souhaitent la victoire du FN, contre 26% pour le PS et 24% pour LR. 22% ne s’expriment pas et sont, cette fois, comptabilisés.
Même si les partisans de LR ou du PS n’ont pas envie ou ne prévoient pas d’aller voter, ils souhaitent quand même la victoire de «leur» parti
Si l’on reprend le calcul des intentions de vote, en incluant cette fois les absentionnistes dans le total (comme si l’on comptabilisait le vote blanc), pour pouvoir comparer les scores de chaque côté, on trouve que 17,5% des électeurs iront voter PS, 20% LR et 31,5% FN. Il reste quand même un écart significatif avec les 28% de personnes qui souhaitent la victoire du FN, les 26% qui souhaitent la victoire du PS et les 24% qui souhaitent la victoire de LR.
Une des explications est que les abstentionnistes, ou les personnes qui n’avaient pas exprimé de choix lorsqu’on leur demandait pour qui elles iraient voter, se sont alors exprimés, et ce sont avant tout des partisans de LR ou du PS. Même s’ils n’ont pas envie ou ne prévoient pas d’aller voter, ils souhaitent quand même la victoire de «leur» parti. À l’appui de cette hypothèse, on constate d’ailleurs que les personnes qui ne s’expriment pas dans la question portant sur les intentions de vote (31%) sont bien plus nombreuses que les personnes qui ne s’expriment pas dans celle portant sur le souhait de victoire (22%). C’est ce qu’avance Erwan Lestrohan, directeur des études chez BVA, dans les colonnes de La Voix du Nord, en affirmant que, «si les intentions de vote sont celles d’électeurs sûrs d’aller voter, c’est l’ensemble des habitants, y compris abstentionnistes, qui répondent à la question de savoir qui on préfère voir victorieux au soir du second tour».
Une autre explication est par ailleurs possible: parmi les personnes qui s’apprêtent à voter pour Marine Le Pen, certaines n’ont peut-être pas tant envie que cela qu’elle accède à la fonction. Ce sont ces 3,5% d’électeurs qui affirment qu’ils iront voter Le Pen mais ne souhaitent pas la victoire du FN. Ce vote serait donc un vote sanction plutôt qu’un vote de conviction. Il est notable que 28% des sondés affirment qu’ils iront voter «pour sanctionner le président» et que 25% disent aussi que les enjeux nationaux compteront plus pour eux que les enjeux régionaux.
Pour le PS, c’est la mécanique inverse qui est à l’œuvre: 17,5% affirment qu’ils ne voteront pas PS, mais 26% souhaitent la victoire de ce parti. Ceux-là, peut-être, ne veulent pas être tenus pour responsables de leur vote, car ils sont trop déçus de la politique actuelle, tout en espérant secrètement que le FN ne passe pas... Mais à ce petit jeu-là, leurs espérances secrètes risquent fortement d’être douchées.