Quand on parle des conflits personnels entre famille et carrière, ce sont en général les femmes politiques qui sont visées, avec de grands débats pour savoir si Rachida Dati ou Marissa Mayer, PDG de Yahoo, sont retournées au travail trop tôt après leur naissance de leurs enfants.
Le débat vient de ressurgir aux États-Unis mais, cette fois-ci, c’est un homme politique qui est au cœur de la discussion. Paul Ryan, l’ancien candidat à la vice-présidence avec Mitt Romney en 2012, vient de se déclarer candidat au poste de «speaker» de la Chambre (c’est-à-dire de président), après la démission de John Boehner en septembre. Il n’a pas d’opposant et devrait donc être élu la semaine prochaine. Mais comme personne ne voulait vraiment de ce poste, rendu difficile par une aile droite qui rend tout compromis impossible à la Chambre, Ryan a négocié certaines conditions.
Il demande une plus grande unité dans le parti ainsi qu’un changement de certaines règles de vote, et a rajouté une troisième condition, plus personnelle: il veut pouvoir passer du temps avec sa famille.
Équilibre personnel
Ryan a en effet expliqué à ses collègues que, s’il est speaker, il déléguera le fundraising et les voyages à ses assistants afin de continuer à passer du temps avec sa femme et ses trois enfants, âgés de 10 à 13 ans. «Je ne peux et ne veux pas renoncer au temps passé avec ma famille», a-t-il déclaré.
Lors d’une conférence de presse, il a précisé:
«Comme beaucoup d’entre vous, Janna et moi avons des enfants qui sont dans les années formatrices et décisives de leurs vies. Je m’inquiète réellement des conséquences qu’aura mon acceptation de ce poste sur leurs vies.»
Pour ces commentaires, la directrice de Facebook Sheryl Sandberg, lui a décerné une palme «Lean In», du nom de son best-seller féministe sur les carrières des femmes. Mais venant d’un élu conservateur opposé aux congés maternité payés, cette déclaration a énervé de nombreux observateurs, qui ont crié à l’hypocrisie.
Dans un débat sur MSNBC, la journaliste Joan Walsh a expliqué qu’aucune femme politique ne pourrait faire le même genre de demande sans risquer de ne plus être prise au sérieux. Et un article de Think Progress soulignait que, alors que Paul Ryan se bat pour son équilibre personnel entre famille et carrière, il refuse de soutenir des subventions pour aider les parents pauvres à payer leur garde d’enfants.
De nombreux autres éditorialistes soulignent que, malgré le conservatisme politique de Ryan, le simple fait qu’il ait abordé ce sujet en public est une grande avancée. «Paul Ryan est en train de forcer les gens à reconnaître un problème dont beaucoup d’Américains souffrent en silence et à en parler», écrit Dara Lind dans Vox.
Pour Danielle Kurtzleben, journaliste sur le site de la radio NPR, si plus d’hommes disaient la même chose que Ryan, les écarts de salaire diminueraient probablement:
«En ce qui concerne le simple fait de demander plus de flexibilité au travail et plus de temps avec la famille, Ryan a fait quelque chose qui pourrait révolutionner la façon dont les Américains appréhendent le travail, si de nombreux autres hommes faisaient comme lui.»