Les élections allemandes du 27 septembre vont amener une inflexion de la politique énergétique de Berlin et par là même changer la donne de la politique énergétique européenne. Pour le mieux, en tous cas dans le sens souhaité par Paris. Les deux partenaires de la future coalition, les chrétiens-démocrates de la chancelière Angela Merkel, et les libéraux de Guido Westerwelle, qui sera vraisemblablement ministre des affaires étrangères, ne sont pas aussi opposés à l'énergie atomique que les socio-démocrates et a fortiori les Verts.
Il serait exagéré de présenter le parti chrétien démocrate comme un partisan actif de l'atome. On trouve dans ses rangs une tendance écologiste farouchement opposée à ce type d'énergie et partisane de la sortie de l'atome, décidée à la fin des années 1990 par le gouvernement rouge-vert de Gerhard Schröder et Joschka Fischer. Les centrales existantes - il y en dix-sept en Allemagne, mais elles ne sont pas toutes en fonctionnement - continuent jusqu'à leur mort naturelle. Cependant il n'y a aucun investissement pour les moderniser, sans parler d'en construire de nouvelles. La fin de l'énergie atomique est programmée pour les années 2020-2030. La grande coalition entre la CDU-CSU et le SPD n'a pas osé revenir sur cette décision.
Mais la position officielle de la démocratie-chrétienne est plus nuancée. Dans son programme électoral, elle s'est certes prononcée contre la construction de nouvelles centrales nucléaires mais elle a proposé une modernisation de certaines unités existantes afin de prolonger leur temps de vie. Les bénéfices retirés par les compagnies d'électricité devraient en partie revenir à l'Etat qui investirait dans la recherche ainsi que dans les énergies renouvelables et ils devraient aussi contribuer à une baisse des prix.
Les libéraux ne sont pas aussi timorés. Ils ont pris nettement position en faveur d'une suppression de la décision de sortie du nucléaire et pour la construction de centrales de nouvelle génération. Il est donc probable que le prochain gouvernement allemand infléchira la politique suivie depuis quelques années. Sans doute ne reviendra-t-il pas complètement en arrière. Car l'opinion publique outre-Rhin est majoritairement hostile au nucléaire, qu'il soit civil ou militaire. C'est vrai de toutes les catégories sociales et de toutes les sensibilités politiques. Et les socio-démocrates, qui se retrouvent dans l'opposition pour la première fois depuis onze ans, ne se priveront pas d'utiliser ce thème qui les rapproche des Verts.
La chancelière devra en tenir compte même si elle est mise sous pression par ses alliés libéraux. Mais la fermeture définitive de quelques vieilles centrales, qui de toute façon sont déjà arrêtées, constituerait un geste propre à apaiser les craintes du plus grand nombre. Quelle que soit la décision que prendra le gouvernement, il devra compter avec les manifestations des antinucléaires qui en Allemagne n'ont jamais vraiment cessé depuis les années 1980.
Il n'en reste pas moins que l'inflexion attendue de la politique nucléaire allemande devrait faciliter la définition d'une politique énergétique commune à l'Union européenne. Les positions jusqu'alors diamétralement opposées entre Paris et Berlin ont contribué à la cacophonie européenne. Ce n'était certes pas la seule pierre d'achoppement. Mais il était difficile entre les deux capitales de se mettre d'accord sur un programme de diversification des ressources énergétiques, quand l'une misait sur le nucléaire et l'autre s'apprêtait à l'abandonner. Sans sous-estimer les difficultés auxquelles le futur gouvernement allemand va se heurter, un obstacle a été levé.
Daniel Vernet
Image de Une: la centrale nucléaire de Biblis près de Francfort Johannes Eisele / Reuters