La gestion approximative du Pompidou de Metz et du Mucem de Marseille dénoncée par la Cour des comptes soulève à nouveau une question brûlante: nos musées ne gagneraient-ils pas à être un peu plus souvent gérés par le privé?
1.Pompidou Metz, MucemDes recettes en chute libre
Décidément, les magistrats de la Cour des comptes sont impitoyables. Qu’il s’agisse du centre Pompidou délocalisé à Metz ou du Mucem marseillais, leurs conclusions rendues en février et mars 2015 sont sans appel: ces projets sont des gouffres financiers. D’un côté l’établissement lorrain, financé à 90% par des collectivités, est passé de 800.000 visiteurs lors de son ouverture à 335.000 en quatre ans, accusant en 2014 une chute de 20% de ses recettes. De l’autre, le Mucem, dont le chantier final a coûté 160 millions d’euros contre les 88 millions estimés à l’origine, n’a dégagé que 26% de fonds propres en 2014, sachant qu’il s’est fixé un objectif à 43% en 2015… Et que propose la conservatrice de Metz? De changer les statuts du musée pour garantir le niveau de subventions des collectivités! Avec comme seule préoccupation de «conserver une légitimité sur la scène internationale». Voilà le cœur du problème.
Pour les gestionnaires publics de ces établissements sous perfusion –pour combien de temps?–, la question n’est pas la fréquentation et encore moins les recettes. La véritable question est de s’assurer un budget public généreux pour mieux satisfaire une envie de reconnaissance auprès de l’élite mondiale de l’art. Si les périodes de croissance permettaient peut-être d’accorder ce type de privilèges, l’assèchement des finances publiques, et plus particulièrement de celles des collectivités territoriales, propriétaires de 82% des musées français, impose de changer de logiciel si l’on souhaite faire du tourisme culturel un moteur économique.
2.Pinacothèque, Jacquemart-AndréDes réussites privées
Et le logiciel que nous devons adopter est privé. Car l’infime partie des musées qui ne sont pas sous tutelle publique en France (5% du total) affichent de bons résultats économiques, sans céder sur la qualité par ailleurs.
Ainsi, la Pinacothèque de Paris, aux fréquentations en hausse continue depuis son ouverture en 2007, a ouvert successivement une deuxième salle à Madeleine en 2011 et une autre à Singapour en 2013. Cela grâce à un chiffre d’affaires de plus de 15 millions d’euros, généré à 50% par la billetterie, 40% par la boutique et 10% par les privatisations de salles. Une stratégie de développement qui a permis de faire découvrir à un public toujours plus nombreux des artistes comme Georges Rouault, Jackson Pollock, Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, Edvard Munch ou Tamara de Lempicka. De même, le musée Jacquemart-André multiplie les sources de recettes pour maintenir sa croissance: 20% proviennent des soirées d'entreprises, 10% des restaurants, 15% de la librairie, 55% de la billetterie.
Non, art et argent, culture et business ne devraient pas rester des domaines étanches
Au-delà de cette recherche de diversification des ressources, inexistante dans un musée comme Pompidou Metz, ces musées privés travaillent sur la notoriété de leurs expositions et consacrent en général 40% du budget d’une exposition à la communication et au marketing. Une stratégie qui suppose de revenir sur un tabou bien français: art et argent, culture et business, devraient rester des domaines étanches.
3.Les châteaux de la LoireLe cas d’école
La région des châteaux de la Loire constitue un très bon exemple des avantages comparés de la gestion privé-public. D’un côté, le château privé de Chenonceau affiche 10 millions de chiffre d’affaires annuel et une fréquentation en hausse continue, grâce au développement depuis près de vingt ans de multiples services, commerces et restauration qui enrichissent l’offre purement patrimoniale du site. De l’autre, le château de Chambord, sous administration publique (plus de huit organismes de tutelle jusqu’à récemment!), commence seulement à réfléchir à un moyen d’être financièrement indépendant en 2020. Longtemps, le joyau de François Ier était une belle endormie, totalement vide, dépourvue de services, commerces, hôtellerie ou restauration dignes de ce nom. Une situation qui a conduit à une chute de fréquentation et du chiffre d’affaires au milieu des années 2000 et à une prise de conscience salutaire. Reste à voir si la nouvelle direction, encore dépendante à 20% des subventions publiques, parviendra à remporter le défi de la rentabilité et de l’attractivité internationale, à l’image de l’économie touristique culturelle française.
Correction: Une première version de cet article mentionnait à tort Lolita Tempicka en lieu et place de Tamara de Lempicka. Nos excuses à nos lecteurs et à l'intéressée.