«Cher Facebook et Instagram, je suis une femme trans qui débute un programme d’hormones. Est-ce que vous allez me censurer?»
C’est par ces mots et en postant une photo d’elle où elle dévoile le haut de son corps que Courtney Demone, une écrivaine et activiste trans qui vient tout juste d’entamer un traitement aux hormones, défie les réseaux sociaux, qui ont l’habitude de censurer les images de poitrine. Pas celle des hommes, uniquement celle des femmes, une discrimination déjà dénoncée par la campagne #FreeTheNipple (#LibérezLesSeins) et contre laquelle l’activiste a décidé d’entrer en lutte à sa manière, comme le raconte Mashable.
Photographier sa transition
Pendant les mois à venir, elle se prendra en photo tout au long de sa transition et postera ces photos sur les réseaux sociaux avec les hashtag #DoIHaveBoobsNow et #FreeAllBodies (#EstCeQueJaiDesSeinsMaintenant et #LiberezTousLesCorps) dans le but de faire changer leur règlement.
Pourquoi imposer aux femmes de cacher leurs seins? Pourquoi ceux-ci seraient-ils plus «sexuels» que ceux des hommes? Et à quel moment le deviennent-ils, dans ce cas?, interroge Courtney Demone, qui utilise l’absurde pour démontrer le non-sens des règles d’utilisation de Facebook. Alors même que ses seins ne sont pas encore visibles, elle affirme déjà ressentir de la «honte» en les montrant, une honte qu’elle estime fabriquée de toutes pièces par la société et qui est selon elle une preuve de la culpabilité qu’on fait peser sur les femmes.
I'm a trans woman taking hormone replacement therapy. At what point will Facebook censor my breasts?PLEASE SHARE! The...
Posted by Free All Bodies on jeudi 1 octobre 2015
«Adieu, les privilèges dans l’espace public»
Être censurée sur Facebook n’est pas une affaire si grave, concède-t-elle, mais c’est surtout symbolique selon elle de la manière dont la société fonctionne. Parce que les femmes subissent des discriminations au quotidien. Et ces discriminations qui n’existaient qu’à l’état d’idées pour elle quand elle était un homme sont désormais devenues une réalité. Depuis qu’elle a fait son coming out, la vie de Courtney Demone a drastiquement changée. Pas depuis qu’elle est perçue comme une personne transgenre, mais depuis qu’elle est perçue comme «suffisamment féminine» pour être confondue avec une femme cis-genre (une femme à laquelle on a attribué le sexe féminin à la naissance), raconte-t-elle.
C’est ma fémininité, et non mon état transgenre, qui a causé la perte de tous ces privilèges
«Plus j’apparais comme féminine, plus fréquents et menaçants deviennent les abus. Adieu, les privilèges dans l’espace public.» Alors qu’elle n’avait jusque-là été embêtée qu’une poignée de fois dans sa vie, elle subit désormais du harcèlement «presque tous les jours» dans la rue ou sur Facebook. «C’est ma fémininité, et non mon état transgenre, qui a causé la perte de tous ces privilèges. Et c’est la misogynie qui les dérobe aux femmes», argumente-t-elle, en expliquant que le harcèlement débute à distance de la part d’hommes qui l’identifient au départ comme une personne cis-genre.
Une violence au quotidien
Contrairement aux femmes «nées dans le bon sexe», et qui se sont graduellement habituées à subir des discriminations qu’elles ne remarquent parfois même plus, le fait d’avoir adopté à un âge tardif une apparence conforme à son genre rend soudainement flagrantes à Courtney Demone les pressions que les femmes subissent au quotidien. «Si tu veux être une femme, tu dois avoir un sac à main»;«Oh, et tes poils sous les bras commencent à se voir», lui objectent des passants, qui pensent que leurs remarques sont anodines, tant les rôles genrés sont devenus invisibles, et tant nous les prenons pour «naturels».
Mais pour Courtney Demone, qui n’avait jamais connu ces injonctions dans son apparence d'homme, il s’agit bien de violence: «Avant de faire mon coming-out, personne ne me disait à quoi ressembler.» Si son initiative parvient à faire plier les géants Facebook et Instagram, elle sera parvenu à éliminer un peu de cette violence et de ces discriminations. Sait-on jamais? Sur les réseaux sociaux, David n'est jamais si loin de Goliath.