Le torchon brûle entre la Russie et les États-Unis, accompagnés de leurs alliés, depuis le début de la crise syrienne. Mais les choses se sont profondément envenimées après les attaques aériennes commanditées mercredi 30 septembre par la Russie au-dessus du nord-ouest et des régions centrales de la Syrie. Vladimir Poutine a récemment témoigné de sa volonté de lutter contre le califat autoproclamé mais les Américains et leurs partenaires accusent les Russes d’avoir en fait bombardé des sites connus pour ne pas être tenus par les troupes de l’État islamique, et d'avoir tué trente-six civils au cours d'une attaque. Le leader de Tajammu Al Azza, un groupe de combattants vraisemblablement armé par les États-Unis, affirme que ses hommes ont également été visés. Alexandre Orlov, ambassadeur de Russie en France, a quant à lui démenti sur France Info que la Russie ait bombardé des positions de l’opposition laïque à la dictature de Bachar el-Assad.
Outre-Atlantique, il n’empêche que la sincérité russe est largement mise en doute. Le secrétaire d’État américain, John Kerry, déclare ainsi à Politico: «Les États-Unis sont prêts à travailler avec n’importe quelle nation, y compris la Russie et l’Iran, pour résoudre le conflit mais il faut admettre qu’après un tel bain de sang on ne peut se contenter d’un simple retour à la situation d’avant la guerre.» Le secrétaire à la Défense, Ashton Carter, s’est montré moins prudent: «Cette intervention russe en Syrie peut et va se retourner violemment contre la Russie.»
Errements de la politique étrangère
Cette lecture d’une intervention russe faussement dirigée contre l’État islamique mais en réalité menée pour protéger les intérêts de Bachar el-Assad, son allié dans la région, est aussi celle de la majeure partie de la classe politique américaine, majorité et opposition confondues. Le sénateur républicain de l’Arkansas, Tom Cotton, a ainsi vu dans ces interventions «l’effort éhonté d’un dictateur pour en protéger un autre et écraser les forces de l’opposition modérée syrienne».
Mais la communion s’arrête là entre la Maison Blanche et ses adversaires politiques. John McCain, candidat républicain malheureux à la présidentielle américaine en 2008, s’en est pris vertement à Barack Obama au Sénat, en fustigeant les errements supposés de sa politique étrangère: «C’est la conséquence inévitable de mots creux, de lignes jaunes franchies, d’influence morale ternie, tout ça en arrière du front, et d’un manque total de leadership américain.»
Cette crise syrienne remet même, aux yeux de certains, en cause la possibilité de faire de Barack Obama un leader. Derek Chollet, aujourd’hui consultant pour le German Marshall Fund mais qui a travaillé ces trois dernières années au secrétariat d’État à la Défense, a confié à Foreign Policy: «Ce n’est pas un très bon stratège, si tant est qu’on puisse dire qu’il en est un, parce que je ne peux même pas compter le nombre des initiatives qu’il a prises ces deux dernières années qui ont raffermi la position de la Russie dans le monde».