Au PS et chez Les Républicains, on s’en effraie, au FN, on pourrait presque s’en réjouir: voici, pour les élections régionales de décembre 2015, le retour du scénario d’une fusion des deux grands partis, que certains veulent voir alliés face au FN. Au risque d’accréditer l’idée martelée par Marine Le Pen de l’«UMPS» (ou aujourd’hui «LRPS», pourrait-on dire, comprenez: le PS et les Républicains, c’est kif-kif).
C’est un «ministre influent», sous couvert de l’anonymat, qui aurait relancé l’hypothèse de ce «Front républicain» puissance 10, selon France Info. La radio explique qu’il en aurait «déjà parlé à Manuel Valls et au patron du PS», Jean-Christophe Cambadélis. Qui a réagi vigoureusement, ce lundi 14 septembre au matin, sur Twitter: «Le ministre anonyme qui propose la fusion suicide au 2e tour des régionales avec Estrosi ou Bertrand, soit il se nomme, soit il se la ferme.»
Déjà évoqué en novembre 2014
Ce scénario d’une fusion des listes n’est pas nouveau. Il avait déjà été évoqué par le sénateur UMP du Nord Jean-René Lecerf, en novembre 2014, dans les colonnes du quotidien régional La Voix du Nord, en réponse à quelques lignes dans l’hebdomadaire Le Point évoquant «une alliance locale [de l’UMP] avec le PS pour le second tour».
Loin d’emporter l’adhésion, cette «hypothèse» avait été reçue par un concert de désapprobations. Gérald Darmanin, maire de Tourcoing et alors porte-parole de Nicolas Sarkozy, s’était dit en «total désaccord»: «Le rempart contre le FN, c'est l'UMP et l'UDI, pas une fusion avec le PS», avait rétorqué l’édile. Idem du côté de Marc-Philippe Daubresse, député-maire de Lambersart. A gauche, même irritation: «Je n’ai jamais eu la moindre discussion avec la droite sur ces perspectives et je n’ai pas l’intention d’en avoir», s’était énervé en novembre Pierre de Saintignon, candidat PS à la présidence de la région Nord-Pas de Calais-Picardie. «Ceux qui font ces hypothèses abandonnent le combat. Nous, nous regagnerons la confiance des gens.»
Éviter l’image UMPS
Cette fois-ci, les mécontents se sont aussi exprimés. Notamment à la gauche du PS, comme l’ex-ministre Benoît Hamon, qui était l’invité d’i-Télé: « Je trouve cela aussi lâche que suicidaire.» «Fusion de liste avec Les Républicains? Pas d'alliance contre nature», clame Christophe Castaner, tête de liste PS en Paca. Dans Libération, le patron du PS refuse même le front républicain classique, affirmant que «les déclarations extrémistes de Christian Estrosi et de Xavier Bertrand sur les réfugiés empêchent désormais le front républicain». Mais à droite aussi, on s'insurge: «Non à la fusion», a répliqué le président du Sénat, Gérard Larcher, qui préfère un Front républicain classique. «Il n'y aura pas de fusion de liste avec le PS», tranche Gérald Darmanin dans une interview au Figaro.
L’irritation est-elle de façade? Au delà des réticences réelles face à une telle fusion, l’enjeu, pour Les Républicains et le PS qui font mine de s'offusquer d'un tel scénario, est aussi d’éviter que le Front national ne s'en serve pour les renvoyer dos à dos. Ce qui a déjà commencé: «L'UMP se vend déjà au PS avant les régionales, que pensent les militants de cette énième trahison ?», avait déclaré en novembre dernier le maire FN de Hénin-Beaumont, Steeve Briois. «Si PS et UMP fusionnent leurs listes au second tour, les électeurs doivent en être informés avant le premier!», clame cette fois le vice-président du FN Florian Philippot. «Les Républicains et le Parti socialiste pensent à fusionner entre les deux tours. Rien que d'y penser, c'est déjà un terrible aveu!», enfonce Marine Le Pen. Un scénario explosif...
En revanche, si la bombe larguée par le «ministre influent» est un leurre, elle sert alors certainement de message envoyé aux alliés naturels du PS, les écologistes d'EELV, qui viennent d'annoncer qu'ils ne feraient pas équipe avec les socialistes dans le Nord. Une manière de leur dire qu'à défaut d'alliance, ils savent désormais quelle alternative leur pend au nez.