France

La droite profite de l'accueil des réfugiés pour relancer le débat sur l'immigration choisie

Temps de lecture : 3 min

Les leaders de l'opposition veulent moins d'immigration économique et familiale pour compenser l'afflux de réfugiés: l'occasion de revenir sur la distinction parfois difficile à faire entre immigration de droit et immigration «choisie»

Laurent Wauquiez, Nicolas Sarkozy et Nathalie Kosciusko-Morizet le 30 mai 2015 à Paris. REUTERS/Philippe Wojazer
Laurent Wauquiez, Nicolas Sarkozy et Nathalie Kosciusko-Morizet le 30 mai 2015 à Paris. REUTERS/Philippe Wojazer

Les leaders de l’opposition à droite ont rejoint tardivement le mouvement de solidarité en faveur des réfugiés syriens, affirmant que la France devait accueillir une partie d’entre eux. Cela ne veut pas dire qu’ils souhaitent que les 24.000 réfugiés qui devraient venir sur deux ans s’additionnent aux autres entrées sur le territoire pour d’autres motifs.

Mercredi sur France Info, Laurent Wauquiez a demandé à ce que l’immigration notamment économique soit réduite pendant la période d’accueil des réfugiés:

«Nos communes et nos territoires ne peuvent pas chaque année accueillir plus d'immigrés. Ca signifie que si l'on doit accueillir plus de réfugiés politiques et on doit sans doute avoir ce devoir de solidarité, il faut qu'il y ait moins d'immigrés clandestins et moins d'immigrés économiques».

Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, le droit d’asile doit être honoré, mais «pendant la même période, en revanche, je pense qu'il faut restreindre fortement sur l'immigration économique et même sur les conditions du regroupement familial», a-t-elle déclaré.

Dans une interview au Figaro, Nicolas Sarkozy demande lui aussi une remise en cause de la politique migratoire européenne et des accords de Schengen. Il estime que «la France n'a plus les moyens d'accueillir que de façon extrêmement limitée» les «migrants économiques».

Tous rappellent l'importance de lutter également contre l'immigration clandestine, quelle qu'en soit la nature.

L'immigration «économique» ne pèse presque pas en France

Le flou règne souvent derrière cette catégorie d'«immigration économique», et il n’est pas inutile de rappeler quelques ordres de grandeurs pour y voir plus clair dans ce débat. L’année dernière, le ministère de l’Intérieur a délivré 209.000 premiers titres de séjour. Ce nombre est stable depuis quelques années: 205.000 en 2013, 193.000 en 2012. Il concerne les personnes qui ont fait une première demande d'entrée sur le territoire et doivent donc être ajoutés au «stock» de titres valides des années précédentes, estimé à 2.763.914 par le ministère de l'Intérieur.

Le plus gros contingent de premiers titres délivrés provient de l’immigration pour motifs familiaux, avec 91.000 titres délivrés. Cette catégorie concerne le regroupement familial, quand un étranger qui peut attester qu’il est installé en France demande à ce que son conjoint ou ses enfants le rejoignent. Le motif familial concerne aussi les ressortissants étrangers mariés à des Français.

Ministère de l'Intérieur

Viennent ensuite les étudiants étrangers, avec un peu plus de 65.000 titres de séjour délivrés en 2014. Puis, à parts égales, les migrations pour motif humanitaire et économique (19.000 chacune). L’humanitaire concerne avant tout les réfugiés et apatrides, personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution, qui étaient 10.579 à avoir obtenu un titre de séjour selon les chiffres provisoires de 2014. Peuvent aussi en bénéficier les étrangers malades (6.897 entrées en 2014). Enfin les migrants économiques sont des personnes qui demandent à entrer sur le territoire pour effectuer leur travail, principalement des salariés (13.749) en contrat temporaire qui répondent aux besoins économiques non satisfaits, ceux de la liste des métiers en tension par région établie en 2008.

Peut-on choisir l'immigration choisie?

Mais l'immigration «économique» que veut réduire la droite ne se réfère pas à ce petit contingent de travailleurs temporaires: elle appelle migrations «économiques» tous ceux motivés par l'amélioration de leurs conditions de vie, et inclut donc plusieurs types de migrations à l'exclusion des migrations humanitaires et politiques.

Les sénateurs «Les Républicains» ont soumis des propositions de réforme des conditions d’entrée sur le territoire pour répondre au souhait du parti de faire jouer les vases communicants: plus de réfugiés, moins de migrants qui s’installent pour d’autres motifs. Ils demandent une renégociation de la directive européenne sur les critères du regroupement familial, veulent augmenter la période de présence sur le territoire pour faire une demande de regroupement familial (de 18 mois actuellement à 24) et instaurer des «quotas d’étudiants en fonction des filières et d’augmenter les frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers hors UE», rapporte Public Sénat.

A l'intérieur même de l'immigration pour motifs humanitaires, pourtant assez consensuelle dans le camp des Républicains, certains comme le député-maire de Belfort ou celui de Roanne veulent là aussi choisir, et privilégier les réfugiés chrétiens.

Le débat relancé par Les Républicains est typique d’un brouillage entre une immigration qui serait «utile» pour l’économie et la démographie du pays, et une catégorie d’immigration qui découle de droits, et sur laquelle pèse le soupçon de l’inutilité –sinon du désagrément.

Comme l’écrit le démographe François Héran, les leviers politiques sont peu nombreux, car l’essentiel des migrations en France résultent de l’application de droits et conventions internationaux: droit à vivre en famille, droit d'épouser qui l'on veut, droit d'asile, etc. C'est sur le niveau de l'immigration pour motif professionnel que la politique migratoire pourrait le plus facilement jouer: c'est un paradoxe, puisque d'une part, cette catégorie représente peu d'entrées annuelles (environ 15 à 20.000 par an), et que par ailleurs elle est celle qui correspond le mieux à l'idée d'une «immigration choisie» et qualifiée.

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