La photo du cadavre d'Aylan Kurdi, cet enfant syrien venu s'échouer sur une plage après le naufrage de son embarcation dans la Méditerranée, a fait l'effet d'un électrochoc. La crise des migrants a désormais un visage. Alors que les responsables européens ont promis de lancer dès aujourd'hui des propositions pour l'accueil des migrants, que peut-on faire en tant que citoyen? Comment transformer cette vague d'émotion en aide concrète?
Il ne suffit pas de se laisser aller aléatoirement à sa bonne volonté, mais de donner de la bonne manière et au bon endroit. Dans une ville allemande, par exemple, la police a dû demander au public d'arrêter d'apporter de la nourriture, des vêtements et des jouets aux réfugiés, car ils étaient submergés.
1.Donner de l'argent
On cherche souvent à donner des fournitures, des vêtements, des médicaments. Et c'est une bonne chose lorsque l'on se situe tout près de ceux qui ont besoin d'aide. Mais parfois, les fournitures choisies ne sont pas les plus pertinentes (même si une «Wish list Amazon» circule sur le net). «Entre 50 et 70% des fournitures envoyées dans des zones sinistrées ne sont pas utiles», rappelle le site Quartz, notamment la plupart des médicaments, qui, après un travail de tri, se révèlent souvent inutiles ou périmés.
L'argent donné à la Fédération internationale de la Croix-Rouge pourra être redistribué au Croissant Rouge en Syrie
À grande échelle, l'argent reste le plus facile à distribuer. Les organisations internationales disposent généralement d'un réseau local et peuvent directement apporter de l'aide aux personnes là où elles en ont le plus besoin. L'argent donné à la Fédération internationale de la Croix-Rouge, par exemple, pourra être redistribué au Croissant Rouge en Syrie, qui pourra l'utiliser pour acheter de la nourriture ou d'autres fournitures locales. Sur son site, la fédération a dressé une carte des zones où un plan d'action a été mis en place et où ses ressources financières vont se concentrer:
2.Soutenir les associations internationales
► L'agence des Nations Unies pour les réfugiés a mis en place un programme d'allocations en espèces pour permettre aux familles syriennes de prendre en main leurs dépenses les plus urgentes en médicaments et en nourriture.
► The International Rescue Comittee travaille à améliorer les conditions de vie des réfugiés dans le camps de transit des îles grecques, construit des douches, apporte de l'eau potable et les informe sur leurs droits.
► L'organisation Save the Children apporte son aide aux réfugiés en Jordanie, au Liban, en Irak, en Égypte, avec de la nourriture, des vêtements et des abris.
► Médecins Sans Frontières a dépensé 3,5 millions d'euros en Syrie en 2014. Les équipes ne peuvent plus intervenir dans les zones détenues par l'État islamique, et ont dû quitter l'hôpital général, mais elles viennent en aide à un réseau de médecins locaux et s'occupent des populations déplacées dans des camps de fortune. MSF a également lancé des opérations de recherche et de sauvetage en mer des migrants en Méditerranée.
► L'Unicef défend la cause des enfants dans 190 pays du monde, dont la Macédoine, pays de passage des migrants en transit par la route des Balkans, où l'association met en place des tanks à eau pour les familles qui arrivent déshydratées, et travaille sur le terrain avec les autorités locales.
► Médecins du Monde a fait une de ses priorités d'agir dans les pays d'origine des migrants (Afghanistan, Afrique subsaharienne…) mais aussi tout au long du parcours migratoire (Turquie, Algérie, Sahel…) pour leur apporter des soins.
►Care International intervient elle aussi dans les pays d'origine des migrants (Irak, Syrie, Liban, Jordanie, Turquie, Afrique subsaharienne…) ainsi qu’en Serbie où près 1.000 à 3.000 migrants arrivent chaque jour. Avec un don 6€50, les équipes de Care peuvent constituer un kit d’urgence (eau, nourriture, produits d’hygiène) distribué aux migrants en Serbie, avec 22€, elles peuvent fournir de l'eau potable pendant trois mois à une famille syrienne ou encore avec 72€, elles peuvent constituer des colis alimentaires.
Des enfants migrants près de la gare de Budapest en Hongrie. REUTERS/Leonhard Foeger
3.Aider les associations et actions locales
En France, entre 5 et 15.000 personnes transitent chaque année par Calais. Là-bas, comme l'indique France 3 Nord Pas de Calais, les associations CCFD-Terre Solidaire, la Cimade, Emmaüs-France, Médecins du Monde, Calais Migrant Solidarity et le Secours Catholique sont très présentes pour aider les migrants et elles aussi fonctionnent grâce aux dons de ceux qui les soutiennent.
En France, Calm a vu le jour, lancé par l'association Singa. Chacun peut s'y engager à offrir l'hospitalité à un réfugié, ou bien faire un don
La fondation MOAS (Migrant Offshore Aid Station) est une association basée à Malte qui vient en assistance aux migrants en détresse en mer grâce à un bateau d'expédition et une équipe expérimentée de sauveteurs. Le compteur sur son site indique que 11.124 vies ont été sauvées grâce à son action.
SOS Méditerranée, association européenne de sauvetage fondée en mai 2015, lance une campagne de sauvetage en mer financée par le grand public afin d’affréter un premier navire de sauvetage entre les côtes italiennes et libyennes.
4.S'impliquer dans des initiatives citoyennes... avec parcimonie
En Islande, 10.000 Islandais ont ouvert une page Facebook et lancé une pétition pour accueillir des réfugiés. En Allemagne, un groupe de citoyens désireux de partager leurs maisons avec les réfugiés ont lancé la plateforme «Bienvenue aux réfugiés» où plus de 780 Allemands se sont déjà inscrits, indique le Guardian.
En France, l'idée a fait des émules et le réseau Calm a vu le jour, lancé par l'association Singa. Chacun peut s'y engager à offrir l'hospitalité à un réfugié, ou bien simplement faire un don à l'association.
Ici et là, les citoyens se mobilisent d'eux-mêmes pour collecter des dons. Via le site Just Giving, un couple d'anglais, Diane et Bob ont réussi à lever près de 7.000 livres pour aller eux-mêmes, en voiture, apporter de la nourriture aux migrants. Même objectif pour cet étudiant anglais de 19 ans, qui demandait 200 livres et se retrouve avec 5.000 livres, ou ce pub de Londres qui a levé 6.000 livres.
À la mémoire du garçonnet sur les côtes méditerranéennes, un fond spécifique a même été créé via le site Just Giving dont les fonds seront reversés à l'association anglaise Hand for Hand for Syria.
Plus de 10.000 personnes ont déjà répondu à l'appel à manifester le samedi 5 septembre, à 17h
Cet élan d'émotion et de solidarité rappelle celui du réfugié syrien Abdul Haleem Al-Kader. Sa photo, le montrant avec sa fille dans les bras en train d'essayer de vendre des stylos dans les rues de Beyrouth, a fait le tour des réseaux sociaux et une campagne de crowdfunding a été lancée pour lui venir en aide.
Ces campagnes lancées par des particuliers, sont séduisantes car «personnalisées» et elles «montrent l'impact direct des dons». Mais elles doivent être considérées avec prudence, prévient la responsable de Médecins sans Frontière dans La Croix:
«Ceux qui ont mis au point cette campagne ont joué sur l’émotion des internautes suscitée par les photos. Par contre, on ne sait rien de cet homme, de sa famille, ni même de la personne qui a mis au point cette collecte. En tant qu’ONG, nous devons rendre des comptes, à nos donateurs et à nos sponsors, pour leur assurer que leur argent sera bien utilisé. Cette campagne échappe au rendu de compte et à la transparence. Il n’y a aucun moyen de vérifier où part l’argent.»
5.Faire entendre sa voix
De plus en plus de citoyens manifestent leur solidarité face aux gouvernements qui tardent parfois à agir. Des pétitions en ligne circulent, comme celle d'Avaaz et celle de Change.org. Pour faire entendre votre voix dans la rue, vous pouvez également rejoindre les rassemblements qui commencent à s'organiser sur Facebook. Plus de 10.000 personnes ont déjà répondu à l'appel à manifester le samedi 5 septembre, à 17h.