C'est l'histoire d'un président de la République française qui, au soir de sa vie, écrit un roman réunissant dans le même lit un président de la République française et une belle princesse anglaise, médiatique et malheureuse en ménage. Ainsi, se dit-on, Valery Giscard d'Estaing aurait eu une aventure avec Lady Diana. En 1984, alors qu'elle était l'épouse du Prince Charles depuis trois ans, si l'on en croit ceux qui ont brisé l'embargo de l'ouvrage. La belle (24 ans), et le vieux (58 ans alors) portant encore beau, elle au printemps lui en hiver... Quelle erreur politique, regrettent ses amis: en s'égarant dans ce genre de littérature de gare, «l'Ex» prend le risque de passer à la postérité pour cette belle prise plutôt que pour son œuvre de modernisation de la France.
Elle est morte, elle ne démentira pas de sitôt. De toute façon, c'est un Ro-Man, une Fic-tion, ses ayants droits ne se risqueront pas à poursuivre l'Ex en justice, ont sans aucun doute conclu les avocats des maisons d'Editions. Comme d'autre icônes érigées en Marie couche-toi-là par d'indélicats amants, on ne sait trop qui du gibier ou du chasseur perd le plus de plumes dans ce type de confessions. Voyez cet autre président, du Panama cette fois, Omar Torrijos, qui reçut en 1979 le Shah d'Iran en exil, mourant, et laissa entendre ensuite qu'il se serait passé quelque chose entre lui et la Shabanou. Du président panaméen, on retiendra à jamais cette bassesse, sans aucun doute due à un rateau.
L'Ex, dont la crédibilité sexopeople se limitait à une actrice reconvertie dans la littérature enfantine passe donc dans la catégorie supérieure, celle des «in bed with a royal» . Il faut désormais le caser quelque part entre le Prince Charles qui, le lendemain de la nuit de noces, confiera à un ami «c'était assez agréable, bien entendu. Mais vraiment, elle était terriblement naïve» et Dody El Fayed, playboy cocaïnomane. Sans doute juste après son garde du corps Barry Mannakee et avant James Hewitt, officier de cavalerie et professeur d'équitation qui, très «élégamment», racontera sa passion torride avec Diana dans «Princess in love» et tentera ensuite de vendre leur correspondance amoureuse.
Mais comme on a aussi prêté à la princesse des liaisons avec un capitaine de l'équipe de rugby anglaise, le major des sauveteurs en mer et un chirurgien pakistanais, l'interêt de se glisser dans la liste est évident: Lady Di aimait les hommes physiques. Lady Di m'a aimé, donc je suis un homme physique.
C'est un Ro-Man, une Fic-Tion. Ça n'en reste pas moins une vantard-dit-se, de ce genre de vantardise masculine qui donne des poussées castratrices. Des couloirs du collège (et du bureau) aux gondoles de librairie, le «tu ne devineras jamais qui je me suis tapé» est la pire des impolitesses. «La célébrité m'a apporté un gros avantage», se vantait Woody Allen: «les femmes qui me disent non sont plus belles qu'autrefois». A VGE, je conseille de revenir aux fondamentaux de la noblesse française: «Dois-je pour les besoins de la cause publicitaire / divulguer avec qui et dans quelle position / je plonge dans le stupre et la fornication / Si je publie des noms combien de Pénélopes / passeront pour de fieffées salopes».
Blandine Grosjean
Image de une: au château de Versailles, en novembre 1994. Archives REUTERS/John Schults