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Le parti Unité populaire fera-t-il éclater la gauche radicale grecque?

Temps de lecture : 3 min

Syriza n’a pas résisté à l’exercice du pouvoir. Et les élections anticipées convoquées par Alexis Tsipras peuvent soit renforcer son pouvoir soit le forcer à se dédire.

L’ancien ministre de l’Énergie Panagiotis Lafazanis, désormais président de Laiki Enotita, à Athènes (Grèce), le 14 août 2015 | REUTERS/Christian Hartmann
L’ancien ministre de l’Énergie Panagiotis Lafazanis, désormais président de Laiki Enotita, à Athènes (Grèce), le 14 août 2015 | REUTERS/Christian Hartmann

Syriza a donc vécu. Le parti de la gauche radicale avait été créé pour arriver au pouvoir. Il n’aura pas résisté à son exercice. Vendredi 21 août, les «frondeurs» ont franchi le pas. Vingt-cinq députés, hostiles à la «capitulation» du chef du gouvernement Alexis Tsipras face aux créanciers de la Grèce, ont annoncé la création d’un nouveau groupe parlementaire et d’un nouveau parti. Il s’appelle Laiki Enotita (Unité populaire) et participera aux élections anticipées que Tsipras avait annoncées la veille.

Fondé en 2004 comme une coalition de petites formations de gauche, Syriza s’était transformé en parti politique en vue des élections de 2013, pour tenter de bénéficier de la prime de 50 députés (sur 300) accordée au parti arrivé en tête du scrutin. Il avait alors échoué de peu derrière la Nouvelle démocratie (centre-droit). Il a réussi son pari aux élections de janvier dernier. Mais l’alliance entre des anciens communistes en délicatesse avec Moscou, des gauchistes, des radicaux pro-européens, des ex-socialistes déçus par les échecs du Pasok, des écologistes, etc., était un ensemble hétéroclite qui a explosé sur les réalités du pouvoir.

Syriza et son chef, le jeune et charismatique Alexis Tsipras, avaient promis d’en finir avec la politique d’austérité imposée par l’Europe et le Fonds monétaire international aux gouvernements précédents. Ils avaient annoncé la fin des économies, l’arrêt des privatisations, l’embauche des fonctionnaires mis d’office à la retraite. Pendant les premiers mois de son gouvernement, Syriza, en coalition avec le parti de la droite conservatrice Grecs indépendants, a tenté d’appliquer son programme tout en recherchant le soutien de l’Europe et le maintien de la Grèce dans la Zone euro. La contradiction a éclaté, fin juin, quand Athènes a été incapable de rembourser un prêt du FMI.

Sommé de choisir entre ses promesses électorales et le retour à la drachme, d’une part, et d’autre part la participation à la Zone euro aux conditions posées par l’Europe, Alexis Tsipras a opté pour ce qu’il considère comme le «réalisme» dicté par la «responsabilité nationale». Le troisième «mémorandum» auquel la Grèce est soumise en quatre ans est aussi dur, sinon plus, que les deux premiers. Mais il comporte des réformes qu’Alexis Tsipras s’est engagé à réaliser et qui, si elles sont effectivement menées à bien, devraient permettre une véritable modernisation de l’économie et de la société grecques.

Zone euro

Quel impact la scission de la gauche radicale aura-t-elle sur le résultat des élections?

C’est ce que ne lui pardonne pas la quarantaine de députés de son parti qui, à trois reprises, lui ont refusé leur soutien au Parlement. Tous n’ont pas encore rejoint Unité populaire, présidée par l’ancien ministre de l’Énergie Panayotis Lafazanis, chef de la Plateforme de gauche, une des composantes de Syriza. La présidente du Parlement, Zoé Constandopoulou, très hostile à Tsipras, ne s’est pas encore prononcée et l’ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis, a annoncé qu’il ne se représenterait pas à la députation. Invité d’Arnaud Montebourg à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse, dimanche 23 août, il vise plus loin que la Grèce, trop petite pour lui, et veut créer un rassemblement des progressistes européens. Unité populaire pourrait en revanche compter sur le soutien d’Alekos Alavanos, qui avait couvé Alexis Tsipras au début de Syriza avant d’être débarqué par son protégé. Au lendemain du référendum du 5 juillet, Panayotis Lafazanis avait proposé un «plan B» de retour à la drachme appuyé sur la confiscation de 22 milliards d’euros placés par la BCE auprès de la Banque de Grèce. Le Premier ministre avait refusé.

Fort de sa popularité encore intacte, Tsipras a provoqué de nouvelles élections dans l’espoir de renforcer son pouvoir, si possible avec une majorité absolue au Parlement. Grâce au scrutin à la proportionnelle de liste, il va pouvoir désigner des candidats qui lui seront totalement acquis. Mais combien seront élus? Quel impact la scission de la gauche radicale aura-t-elle sur le résultat des élections? Le nouveau parti Unité populaire prétend représenter les quelque 62% de Grecs qui ont voté contre les conditions imposées par les créanciers –et finalement acceptées par le gouvernement d’Athènes. C’est viser très haut. Car après avoir dit «non» comme les héros des tragédies antiques ou comme en 1940 face aux troupes de Mussolini, les Grecs dans leur majorité semblent s’être fait une raison: 70% sont toujours favorables à l’euro.

Unité populaire peut donc espérer récupérer une partie des 30% d’électeurs hostiles à l’euro et partisans d’un retour à la drachme. Sur ce terrain, elle est en concurrence avec le parti d’extrême droite Aube dorée et avec le Parti communiste. Si elle dépasse le seuil de 3% des voix nécessaire pour avoir des élus au Parlement, elle peut empêcher Alexis Tsipras d’obtenir la majorité absolue et le contraindre à former encore une coalition. En le plaçant devant un nouveau choix: risquer un conflit avec les partenaires européens en recherchant le soutien de sa gauche ou s’allier avec les partis pro-européens, le vieux Pasok ou la jeune formation libérale Potami (le fleuve), un revirement total par rapport aux engagements gauchistes de sa jeunesse.

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