On sent de la curiosité et un certain amusement chez le journaliste du The Economist qui énumère les mots d’argot issus des banlieues. Du verlan qui surgit dans les années 1970-1980, à l’influence du rap, du hip-hop et du cinéma, le langage jeune et relâché, qui dépasse aujourd’hui complètement le seul cadre de la banlieue, est un condensé de mots dérivés principalement de l’arabe. «Wesh» vient par exemple d’un dialecte algérien («Wach rak» signifie «Comment vas-tu?»), «le seum» veut dire poison en arabe et «kiffer» provient du mot arabe «kif», utilisé pour désigner le cannabis.
Ces mots associés à une culture urbaine rebelle sont restés hors du langage référencé et institutionnalisé pendant longtemps. À l’inverse, des mots d’origine arabe plus neutres comme «algèbre» ou «tarif» sont passés dans l’usage courant depuis le Moyen Âge.
«Rébellion verbale»
Selon le journaliste, cette appropriation sélective de la langue française s’explique :
«Alimenté par la défiance, l’argot de rue par nature résiste à tout tampon d’approbation, il évolue en réaction. Depuis le début, le verlan avait été conçu comme une rébellion verbale contre le français, la langue de la colonisation. Toutefois, je pense que c’est maintenant juste de dire que la langue de l’ex-colonisateur s’empare enfin du résultat créatif de cette révolte.»
Ça n’a pas toujours été simple. En 2013, l’Académie française relève jusqu’à 8.475 infractions langagières. Les limitations pour l’utilisation de mots étrangers dans la publicité ou dans la diffusion des chansons à la radio sont strictes. Depuis, la crispation envers la présence toujours plus important de l’anglais et l’usage de mots étrangers semble s’être un peu infléchie. En mars 2015, lors de la Semaine de la langue française, la ministre de la Culture Fleur Pellerin célébrait le français comme langue qui n’est pas «fixée», selon l’expression chère à Victor Hugo.