En 2012, le journaliste britannique Luke Harding publiait «Expelled: A Journalist’s Descent Into the Russian Mafia State», dans lequel il raconte le harcèlement dont il fut l’objet avec sa famille de la part du FSB, service secret russe et principal héritier du KGB. Cela suivait ses écrits sur les assassinats de l’ancien officier du FSB Alexander V. Litvinenko et de l’activiste des droits de l’homme Natalya Estemirova.
Une nouvelle version vient d’être publiée en Russie par la maison d’édition russe Algoritm avec pour titre «No one but Putin», et celle-ci ne ressemble que vaguement à l’originale. Elle est même tellement différente que le livre semble maintenant faire la promotion de Vladimir Poutine, et n’aborde plus du tout la plupart des sujets polémiques selon Luke Harding: «Ils ont retiré Litvinenko, les méthodes du FSB, le harcèlement de ma famille» ou encore la guerre en Géorgie et les meurtres du Kremlin, comme celui d’Estemirova. Il ajoute:
«La Crimée manque aussi. […] Ce qui est fascinant c’est que Poutine et la piste de son argent sont toujours là. C’est presque un indicateur à propos des lignes rouges de la publication en Russie. L’Ukraine, c’est tabou. Litvinenko, c’est tabou. Poutine et son argent, ça n’est pas tabou.»
D'autres livres déjà modifiés
Expulsé en 2011 pour ses articles polémiques, Luke Harding est le premier journaliste britannique renvoyé de Russie depuis la chute de l’URSS, mais il n’est pas le premier à voir son ouvrage modifié par Algoritm. L’ancien correspondant de The Economist, Edward Lucas, et un expert américain de la Russie, Donald N. Jensen, s’étaient également fait republiés sans consultation de la même maison d’édition. Tous ces livres son publiés par Algoritm dans le cadre de son «projet Poutine».
Pour le directeur d’Algoritm Sergei Nikolayev, Luke Harding ne répondait pas à leurs appels, de fait: «C’est plus facile pour nous de publier un livre, après la personne vient à nous et on lui donne des explications et c’est tout.» Le conseiller juridique d’Algoritm, Yevgeny Imenitov, estime que le livre d’Harding ne pourrait jamais être publié tel quel en Russie. Le cabinet d’avocat représentant la maison d’édition Guardian Books a envoyé une lettre de mise en demeure, en listant les infractions de la loi russe.