Jonathan Hirshon travaille dans la Silicon Valley. A 48 ans, il a vécu les débuts d'Internet, a fondé son entreprise de communication et a été chargé des relations publiques pour Apple et Sony. Il a plus de 3.000 abonnés sur sa page Facebook, plus de 13.000 tweets sur son compte Twitter et 88 recommandations sur son compte LinkedIn. Il tient même un blog de cuisine et a publié un e-book sur les haïkus. Et pourtant, lorsque l'on tape son nom dans les moteurs de recherche, rien. Aucune photo, aucun moyen de savoir à quoi il peut bien ressembler.
«Quand le web a commencé, j'ai décidé de jouer à un jeu avec moi-même: combien de temps allais-je pouvoir tenir sans qu'une photo de moi apparaisse sur Internet», raconte-il à Daniel Terdiman, un journaliste de Fast Company. La technique est aussi simple que radicale: ne jamais céder à la tentation de poster une photo de soi. Même pas un petit selfie, alors qu'il passe son temps sur Facebook.
En mai 2013, invité à une conférence aux côtés du blogueur Robert Scoble, il a préféré enfiler un passe-montagne plutôt que risquer de se faire photographier par ses Google Glass. Et lorsqu'on l'interviewe à propos de son travail à Apple, il accepte d'être filmé seulement caché dans l'obscurité, laissant voir seulement sa silhouette en ombre chinoise.
«Ça fait vingt ans que ça dure maintenant... Il y a eu seulement deux fois où des photos de moi ont été prises et postées sans ma permission, mais chaque fois ils ont accepté de les enlever». C'est seulement à ce prix que Jonathan Hirshon a pu accéder à un anonymat visuel total sur Internet.
Aucune photo de Jonathan Hirshon n'apparait dans Google Images
Noyer les algorithmes de reconnaissance faciale
Aujourd'hui, ce contrôle strict devient plus difficile à appliquer. Les appareils photos sont partout et les algorithmes de reconnaissance faciale mis au point par Facebook et Google deviennent de plus en plus performants.
Jonathan Hirshon a contre-attaqué en utilisant les propres armes de Facebook: il a demandé à ses amis de le taguer autant qu'ils le pouvaient sur des photos. Mais attention, jamais de photos de lui. Son nom s'est ainsi retrouvé définitivement lié à des photos de chats, de Brad Pitt, de mouettes, de bouddha, d'Abraham Lincoln, de Nosferatu ou d'un macaque hurlant. «Si chaque internaute fait la même démarche, nous arriverons au point où la reconnaissance faciale deviendra beaucoup plus compliquée à mettre en place et chacun pourra recommencer à retrouver un peu de vie privée», argumente-il.
Une idée «intelligente et qui pourrait marcher», convient Declan McCullagh, journaliste spécialisé dans les technologies, cité par Fast Company. Mais seulement un temps. Les algorithmes sont de plus en plus perfectionnés, et son stratagème ne les trompera sans doute pas longtemps.
Jonathan Hirshon n'y aura pas tout perdu. Aujourd'hui, le rencontrer est un petit événement:
«C'est amusant de voir la réaction des gens quand ils me rencontrent enfin. Ils collectionnent mes cartes de visite. C'est comme s'ils avaient vu Bigfoot».