Le droit des femmes à disposer de leur corps inclut-il le droit à choisir son accouchement, et ce, sans subir aucune pression sociétale? La réponse semble aller de soi. Pourtant, quand il est question de recours à la césarienne sans raison médicale, et plus largement d'accouchement médicalisé et technicisé, tout se complique. Comme la plupart des thématiques périnatales, la césarienne sur demande maternelle divise, et la très sérieuse revue New Scientist vient d'apporter un nouvel éclairage au débat.
Dans cet article, la journaliste médicale Clare Wilson qui affirme elle-même avoir choisi la césarienne pour ses accouchements, vilipende la glorification de l'accouchement par voie basse et l'injuste procès fait aux césariennes sur demande. Précisons ici qu'il faut absolument bannir l'expression «césarienne de confort» utilisée à tort et à travers.
Quiconque a déjà subi une césarienne expliquera parfaitement en quoi l'opération n'a rien de «confortable». Une césarienne est une opération chirurgicale consistant à inciser la paroi utérine. Les suites de couches incluent perfusion, sonde urinaire, voire une péridurale pendant les quarante-huit heures suivant l'accouchement. Rien de confortable ni d'anodin dans tout cela donc. Par ailleurs, les raisons pour lesquelles certaines femmes choisissent délibérement d'accoucher par césarienne sont multiples et les termes «confort» ou «convenance» ne permettent pas d'englober la pluralité des motivations.
Il y a bien sûr les femmes qui ont recours à des césariennes à la suite d'un précédent accouchement ayant laissé de lourdes séquelles, ou à la suite d'un viol, ou en raison d'une présentation du bébé par le siège... Les raisons sont multiples, mais surtout extrêmement personnelles.
On évoque volontiers le cas de Victoria Beckham, qui a accouché quatre fois par césarienne et qui a hérité du surnom «too posh to push» (trop snob pour pousser) dans la presse britannique. Il conviendrait de se demander si la star mérite de telles critiques et en vertu de quoi on pourrait décréter qu'il y a de bonnes ou de mauvaises raisons de choisir la césarienne.
Ce que réclame le New Scientist, c'est que les femmes soient davantage informées sur les risques de l'accouchement par voie basse et qu'elles puissent ainsi faire un choix éclairé. Car si la césarienne est volontiers présentée par le corps médical comme susceptible d'entraîner des complications (ce qui est parfaitement vrai), l'accouchement par voie basse lui ne fait pas du tout l'objet des mêmes recommandations. Et même, il est généralement perçu comme «la principale option par défaut, sans parler de la fétichisation de l'accouchement naturel par certains groupes de femmes».
Les risques de l'accouchement par voix basse
Pourtant, tout comme la césarienne, l'accouchement naturel comporte des risques de complications et de séquelles plus ou moins graves. La revue cite une étude suédoise qui avait conclu que, vingt ans après leur accouchement, 40% des femmes qui ont accouché par voie basse ont eu des problèmes d'incontinence, contre 29% pour celles qui ont accouché par césarienne (la rééducation périnéale qui permet de limiter ce risque n'est pratiquée et remboursée que dans peu de pays encore). Et que neuf femmes sur dix vont subir une déchirure pendant leur accouchement naturel.
D'ailleurs, aux États-Unis, la moitié des femmes obstétriciennes, quand elles doivent accoucher, font le choix d'une césarienne élective. Le Guardian expliquait en 2008 qu'une étude publiée dans la revue de référence the Lancet en 1996 «rapportait que 31% des obstétriciennes préfèrent personnellement avoir recours à une césarienne. Aux États-Unis, le chiffre est presque à 50%. Nombre de femmes chirurgiennes et de médecins généralistes choisissent cette option –même si [...] “l'admettre est encore très largement politiquement incorrect”».
Des césariennes de plus en plus sûres
Ces résultats datent de la fin des années 1990... Étant donné les progrès en termes de césarienne, on peut imaginer que d'autant plus d'obstétriciennes optent pour cette procédure en 2015.
Dans un article médical datant de 2004, publié dans le Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, le professeur Rozenberg, du Département de Gynécologie-Obstétrique de Poissy-Saint-Germain, écrivait:
«Depuis vingt ans, l'un des rares progrès significatifs réalisés en obstétrique porte sur l'amélioration de la sécurité autour de la césarienne programmée. [...] Nous avons tellement bien appris à maîtriser les risques entourant la césarienne élective que sa mortalité et sa morbidité maternelles ne sont plus différentes de celle de l'accouchement par voie basse.»
Dans sa conclusion, un peu plus loin, il insistait justement sur ce besoin d'information sur l'accouchement par voix basse:
«Le défaut d'information quant aux potentielles lésions urinaires avant la réalisation d'une hystérectomie serait contraire à l'éthique. De même, l'insuffisance de communication préalable sur les risques de l'accouchement serait une faute professionnelle. Reconnaître ce droit élémentaire est bien sûr le premier pas nécessaire vers l'acceptation d'une césarienne élective. La césarienne élective doit donc être considérée comme un progrès significatif dans l'évolution de “l'obstétrique moderne”… et des droits de la femme.»
Le problème, c'est que, dans la majorité des cas, pour le savoir, la parturiente devra être allée chercher les informations elle-même. New Scientist rapporte par exemple l'histoire de Nadine Montgomery. Il y a seize ans, elle a accouché par voie basse: son fils est atteint de lésions cérébrales graves parce qu'il est resté coincé dans le bassin durant la délivrance. La cour suprême britannique vient d'accuser le médecin accoucheur de n'avoir pas suffisamment informé sa patiente.
Le Collège royal des obstétriciens et des gynécologues envisage aujourd'hui de soumettre aux femmes qui vont accoucher par voie basse un formulaire de consentement, protocole existant déjà pour les césariennes.
Notons que le collège national des gynécologues obstétriciens français, lui, est très opposé à la césarienne sur demande et fait valoir qu'en cas de désaccord entre la patiente et l'obstétricien, «il reste possible pour le médecin de faire état de la “clause de conscience” et d'orienter la patiente vers un de ses confrères».