Barack Obama nouveau Chamberlain? L’analogie séduit sur la toile et beaucoup d’analystes y vont de leur propre interprétation. Pour Thane Rosenbaum, la comparaison est rapide mais pas tirée par les cheveux. Dans un article publié dans The Tower, l’essayiste explique deux facteurs qui rapprochent fortement l’actuel président des États-Unis et l’ancien Premier ministre britannique.
Les accords d’abord, que les deux hommes ont signés, peuvent être rapprochés. Dans les deux cas, il s’agit d’un apaisement avec un régime idéologiquement différent et possiblement menaçant qui apparaît comme un soutien important pour lutter contre une menace qu’on estime plus grande encore. En 1938, Chamberlain espérait que le régime nazi porterait toute son attention sur le communisme à l’est si on lui concédait les Sudètes. Obama, lui, espère favoriser la lutte de l’Iran contre Daech en Irak en arrêtant de l’asphyxier économiquement, au prix d’une ligne moins dure sur le nucléaire.
Attentisme
La deuxième raison, c’est qu’Obama, tout comme Neville Chamberlain, est l’anti-Churchill. Le mythique Premier ministre britannique dirigeait son pays d’une main de fer et sa politique extérieure était intransigeante. Tandis qu’Obama joue l’apaisement, selon Rosenbaum. L’héritage de Bush souligne à quel point la politique étrangère du président démocrate se caractérise par un manque total de leadership au Moyen-Orient. Le discours du Caire en 2009 étant le précurseur de son attentisme, que ce soit en Libye, en Syrie ou même face à Poutine. Pour l’essayiste, Obama n’est crédible dans aucune des crises qui secouent le Moyen-Orient, parce qu’il est en tout point opposé à un Winston Churchill combatif, sachant taper du poing sur la table quand il le faut. Il fait du retrait des trouves d’Afghanistan et d’Irak, alors que l’Amérique était victorieuse, un échec comparable à la chute de Saïgon.
Barack Obama, tout comme Neville Chamberlain, est l’anti-Churchill
Vous l’aurez compris, la comparaison est très populaire chez des observateurs ou des analystes plutôt favorables au concept de guerre préventive. Dans un article publié dans Le Monde en avril, Chahdortt Djavann fustigeait l’accord en insistant sur la fameuse citation de Winston Churchill:
«Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre!»
En croyant que le régime iranien tiendra ses promesses, Obama se met donc selon eux le doigt de l’œil et ne retient aucune leçon de l’histoire.
Intérêts belliqueux
Pour le reporter américain Paul Brandus, la comparaison est absurde et ne sert que des intérêts belliqueux. L’accord avec l’Iran est bien loin d’être parfait à ses yeux mais il ne représente pas une reddition aussi forte que celle de Neville Chamberlain et d’Édouard Daladier en 1938. Selon lui, Hitler s’est vu offrir la région des Sudètes comme un loup dont on essayait de combler la faim, mais c’était sous-estimer son appétit. Avec l’Iran, le groupe 5+1 n’a pas répondu à une demande mais a réagi à une initiative qu’il estimait dangereuse.
Faut-il toujours comparer les hommes qui font l’histoire? La grande leçon qui suit la Seconde Guerre mondiale, c’est qu’il faut toujours apprendre de nos erreurs. Comparer deux moments pour anticiper l’évolution du climat géopolitique international est une bonne idée mais Paul Brandus nous rappelle qu’il faut le faire avec rigueur et objectivité, sinon c’est la porte ouverte à toutes les interprétations.