Au cours de l’été 2012, quand les diplomates iraniens et américaines commencèrent leurs pourparlers secrets à Oman, lançant le processus qui vient d’aboutir par un accord sur le nucléaire iranien, le proche-Orient était très différent de ce qu’il est aujourd’hui. Quelques mois auparavant le dernier convoi de troupes américaines avait quitté l’Irak et leur retour à Bagdad apparaissait inconcevable. La chute de Bachar el-Assad, combattu par les rebelles syriens, semblait n’être plus qu’une question de temps. Al-Qaïda avait l’air totalement déconfite après la mort de Ben Laden et ses alliés irakiens allaient encore atteindre un an avant de se rebaptiser Etat Islamique. Mohammed Morsi, issus des Frères Musulmans, venait tout juste d’être élu en Egypte, un poste qu’il allait occuper un an avant d’être déposé. Abd Rabbuh Mansour Hadi, pro-américain fanatique, dirigeait le Yémen. Et les attaques contre le consulat américain à Benghazi et les manifestations contre le film L’Innocence des Musulmans étaient de l’histoire ancienne.
Un accord qui n'a plus la même ampleur
En d’autres termes, il y a trois ans, il était raisonnable de considérer que la question du nucléaire iranien et d’une éventuelle guerre régionale à son sujet, était le sujet le plus préoccupant du Proche-Orient. Le président des Etats-Unis évoque à présent l’accord comme un moyen de «voir si cette région qui a connu tant de souffrances, tant d’effusions de sang, peut emprunter une nouvelle voie.» L’accord sur le nucléaire iranienne semble presque anecdotique.
Le chaos de la région convient parfaitement à l’Iran
L’Iran est parvenu à étendre son influence régionale sans posséder l’arme nucléaire. Les rebelles chiites soutenus par l’Iran sont en pointe de la lutte contre Daech en Irak, Assad est toujours au pouvoir en Syrie et malgré des mois d’attaques aériennes saoudiennes les rebelles Houthi contrôlent toujours la capitale du Yémen. Le chaos de la région convient parfaitement à l’Iran et les adversaire de l’accord affirment que la levée des sanctions va encore accroître son influence.
Pourtant, les efforts régionaux de l’Iran n’ont pas été particulièrement ralentis par les sanctions, et il est donc difficile de croire que la levée des sanctions pourrait avoir de grands effets de ce point de vue. Je suis plutôt sur la ligne de l’administration Obama,qui considère que si la situation est chaotique, elle le serait encore plus si l’Iran avait la bombe nucléaire. Une relation plus amicale entre l’Iran et l’Occident peut également ouvrir des avenues à d’éventuelles opérations sur d’autres questions, comme la résolution de la crise en Syrie. Ce qui alarme le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ainsi que les dirigeants du Golfe, c’est au moins autant le programme nucléaire iranien qu’une convergence des intérêts iraniens et américains.
Les otages demeurent
Nous n’en sommes pas encore là. Il convient de se souvenir que si les nouvelles sont bonnes, l’Iran retient toujours des Américains prisonniers pour des accusation aussi absurdes que montées de toutes pièces –et qu’ils sont donc des otages purs et simples. Et s’il est vrai que les Etats-Unis sont engagés dans un accord tacite avec des milices soutenues par les Iraniens et qui combattent Daech en Irak, on peut aussi se souvenir que l’Iran joue sur les deux tableaux: Assad, soutenu par l’Iran a laissé Daech de prospérer en Syrie, quand il ne l’a pas aidé.
Pour les Etats-Unis et leurs alliés, l’accord est un pari: celui que l’ouverture de conversations avec Téhéran va permettre de pacifier la région et de donner davantage la parole aux modérés du régime. Si l’accord ne change pas aussi radicalement la donne qu’on pouvait l’espérer il y a quelques années, je considère que c’est un risque à prendre. Mais le président Obama aura depuis longtemps quitté ses fonctions avant nous sachions s’il était payant.