Le cinéma égyptien était au XXème siècle l’un des premiers cinémas du monde. En 1935 sont créés les studios Misr qui sont parmi les seuls à concurrencer les grands studios américains par le nombre de productions. C’est sur le terreau de ce cinéma de grande tradition, prolifique et exigeant, que s’épanouit le romantisme d’Omar Sharif. Mais sa «période égyptienne», où le futur séducteur international s’illustre dans un cinéma très ancré dans les problèmes de société de son pays, est indissociable du nom de la plus grande star féminine du monde arabe: Faten Hamama.
Le couple Sharif-Hamama atteint son apogée dans son dernier film, La rivière de l’amour de Ezzel Dine Zulficar, sorti en 1960, deux ans avant que l’acteur ne devienne une star mondiale avec Lawrence d’Arabie. Transposition d’Anna Karénine, dans laquelle le poids des traditions orientales rend l’histoire plus tragique encore que chez Tolstoï, La rivière de l’amour est un classique du mélodrame dans le monde Arabe. Le bel officier de l’armée égyptienne qu’incarne Omar Sharif endurera toutes les souffrances: son impossible passion pour Nawal (l’Anna Karenine égyptienne incarnée par Faten Hamama), le mépris de la famille de sa bien-aimée, une blessure pendant un concours hippique et, finalement, une mort tragique à la guerre. Lorsqu’elle se jette sous un train, Nawal est non seulement privée de son enfant comme l’héroïne de Tolstoï, mais elle est aussi veuve de son amant.
UN COUPLE DE LÉGENDE, À L’ÉCRAN COMME À LA VILLE
Dans leurs films précédents, les amours de Faten Hamama et d’Omar Sharif ont connu des fins plus heureuses, en particulier dans Ciel d’enfer et Les eaux noires, signés de Youssef Chahine, le cinéaste égyptien le plus fameux en Occident. Ces films mélangent une intrigue sentimentale avec une observation fine de la société égyptienne et des rapports entre les classes sociales. C’est Chahine qui a fait débuter Sharif dans Le démon du désert sorti en 1954. La même année dans Ciel d’enfer (1954), son premier film avec Faten Hamama, le jeune acteur joue un ingénieur agronome qui améliore la culture de la canne à sucre, suscitant la colère d’un Pacha rétrograde. Pas de chance, la fille du Pacha est justement la femme qu’il aime… Dans Les eaux noires (1956), les jeunes premiers sont des personnages issus des classes populaires. Elle travaille dans le port d’Alexandrie, tandis que lui embarque pour un long périple qui l’éloigne d’Égypte. A son retour, il constate qu’elle a cédé aux charmes d’un homme riche. Il fera tout pour la reconquérir… Ciel d’Enfer et Les eaux noires circuleront à l’époque largement en Europe. Célébré au Festival de Cannes, Sharif fait ses débuts dans le cinéma occidental en 1956 avec un film français en couleurs qui se déroule en Orient mais est… tourné dans le Gard, La Chatelaine du Liban, de Richard Pottier d’après un roman de Pierre Benoit. L’égyptien partage l’affiche avec Jean-Claude Pascal et la somptueuse italienne Gianna Maria Canale. La suite de l’histoire d’Omar Sharif appartient au cinéma mondial…
Hors écran, Sharif et Hamama s’aimaient aussi. Ils furent mariés de 1954 à 1974, formant un couple légendaire dans le monde Arabe. Faten Hamama, qui était déjà une star au moment du tournage de Ciel d’enfer, n’avait encore jamais accepté d’embrasser à l’écran un de ses partenaires. Mais Omar Sharif lui plaisait tant que, cette fois, elle se fit violence. Pour lui, elle divorça de son premier mari, le futur réalisateur de La rivière de l’amour Ezzel Dine Zulficar. De son côté, l’acteur se convertit à l’Islam pour pouvoir l’épouser. Ils eurent un fils, mais ils se séparèrent en 1966 : Sharif savait qu’il y avait trop de tentations en Occident, et déclara à Faten Hamama qu’il la quittait par crainte de faire son malheur en la trompant. Ils divorcèrent en 1974. Selon ses propres mots, il ne tomba plus jamais amoureux, et ne vécut plus jamais avec une autre femme que cette actrice mêlant si bien distinction, charme et caractère. La carrière occidentale d’Omar Sharif lui apporta une gloire planétaire, mais elle le plongea dans une solitude qui ne le quitta jamais…