Ironie météorologique, cette rubrique «La Soif du malt», amoureusement consacrée au whisky, fête ses deux ans sur Slate alors même que vous n’avez qu’une traître envie: siffler une bière bien givrée, siroter une mauresque granitée, téter la paille plantée dans les glaçons d’un mojito, descendre un 51 glacial, voire un Moscow Mule plus frappé que nos calebasses sous le cagnard (inutile de rayer les mentions inutiles sauf si vos lèvres forment le mot «Spritz»). Eh oui. On a beau se dédier corps (surtout) et âme au whisky, quand le mercure ricoche de 35 à 40° à l’ombre, on se surprend à rêver d’infidélité au single malt sec plus sûrement qu’en furetant sur Gleeden. Je vous le dis tout de suite: c’est moche.
Alors qu’il suffit d’un peu d’imagination pour rafraîchir votre couple (avec le malt s’entend, pour le reste continuez à vous débrouiller sans mes conseils). Commencez par faire tomber le tabou des glaçons puisque par canicule la notion de pudeur se revisite à la baisse. N’en déplaise aux Talibans du whisky, en paréo sous les parasols, on apprécie de sacrifier certains arômes contre la sensation de fraîcheur. Après tout, aucun Américain qui se respecte ne se servirait un bourbon sans glace (bon, d’accord, ils en collent aussi dans le single malt quelle que soit la saison…).
Préférez de très gros glaçons ou, mieux, un iceball à la japonaise: cette balle de glace sphérique, en minimisant le contact avec le malt, va le refroidir sans le diluer exagérément. En mode système D, récupérez des pots de yaourt vides pour fabriquer des cubes de glace conséquents (les pots de compotes légèrement pyramidaux se démoulent mieux et, bonus, compteront dans vos 5 fruits et légumes quotidiens).
Les duos qu'il vous faut
Le thermomètre grimpe encore? Passez au long drink, toujours en puisant l’inspiration au Japon. Servez votre whisky (single malt ou blend) en Mizuwari, dilué dans cinq à sept volumes d’eau plate sur glace. Ou en Highball (ma petite madeleine par temps chaud), même principe avec de l’eau pétillante (la moins salée possible, type Perrier). Sur un whisky tourbé, un Hakushu un peu vert ou un Kilchoman Machir Bay par exemple, vous m’en direz des nouvelles. Mais l’accord se fait tout aussi subtil avec un Hibiki ou un Great King Street de Compass Box.
Le Lagavulin 16 ans est le seul whisky qui s’accommode mieux que bien du cola
Pour des duos plus risqués, rappelons que notre confrère de Whisky Magazine Dave Broom a sacrifié un peu de son tube digestif pour vous aider à faire les bons mix. Ses nombreuses expériences in vivo lui ont permis de conclure que les malts épicés s’allongent à merveille sous le ginger ale (une association très banale en Ecosse où, certes, la canicule commence à 18°): les speyside et les blends bien clean en raffolent.
Les irlandais non fruités (Jameson sans âge, Tullamore Dew), eux, gagnent en sècheresse dilués dans l’eau de noix de coco, un mode de consommation très courant au Brésil. Enfin, sachez que le Lagavulin 16 ans est le seul whisky qui s’accommode mieux que bien du cola –normalement, il me reste 3 followers (tous de ma famille) sur Twitter après cette phrase, dont je tiens à souligner lâchement qu'elle n'est pas de moi (je déteste le cola) mais du sieur Broom.
Un penicillin.
Penicillin pour tout le monde
Le thermomètre s’affole? On passe à la mixologie. Réservez le bourbon pour le Mint Julep, l’un des plus anciens cocktails connus: s’il réussit à éloigner la chaleur lors du Derby du Kentucky, il viendra à bout de l’été européen. Pilonnez de la menthe fraîche dans un verre (ou une timbale en métal réservée au froid), ajoutez 2 cl de sirop de sucre, 7 cl de bourbon, couvrez de glace pilée, touillez, ajoutez de la glace, plantez une paille, garnissez de menthe. Option citronnée, remplacez le gin par un blend pour concocter un Collins. Option tourbée, misez sur le Penicillin: shakez sur glace 5 cl de blend, 3 cl de whisky tourbé (moi, perso, j’inverse ces proportions pour un effet über-fumé), 2 cl de jus de citron (meilleur s’il est vert) et 1,5 cl de sirop miel-gingembre (moins si vous remplacez judicieusement par de la liqueur King’s Ginger et un peu de miel). More ice. Servez.
Le thermomètre fond? On sort l’arme nucléaire: placez des timbale en métal et la bouteille de whisky au congélo, servez en shots banquise ou sur glace pilée. Le Glenfiddich Distillery Edition 15 ans en a fait un temps sa signature et, au passage, c’est top en dessert pour accompagner un sorbet. Évidemment, je vous vois prendre une poussée de fièvre, et ce n’était pas l’objectif: traiter le whisky en vulgaire vodka? Quelle hérésie! En réalité, le froid va geler certains arômes, mais faire remonter les notes suaves en neutralisant l’alcool. Surtout, il va modifier la texture de votre malt, qui va s’épaissir à en devenir liquoreux. Et glacial. Vous venez de perdre 10 degrés. Non, de rien.