A moins de deux semaines du scrutin, le 27 septembre, la campagne électorale en Allemagne s'est durcie entre la droite modérée, représentée par les deux partis de la démocratie chrétienne, la CDU et la CSU bavaroise, et le Parti social démocrate (SPD).
Le changement a eu lieu au lendemain d'un débat télévisé entre la chancelière Angela Merkel et le candidat social-démocrate à la chancellerie, Frank Walter Steinmeier. Plus que d'un «duel», il s'est agi d'un «duo», ont remarqué plusieurs journalistes allemands. En effet, les deux protagonistes ont gouverné ensemble pendant quatre ans au sein de la grande coalition, la première comme chef de gouvernement, le second comme vice-chancelier et ministre des affaires étrangères.
Défendant en quelque sorte un bilan commun, ils ont été obligés de faire des efforts pour trouver des sujets de divergences. Le candidat de la gauche modérée en a trouvé quelques uns: l'imposition d'un salaire minimum, le plafonnement des rémunérations des dirigeants d'entreprises, la sortie de l'énergie nucléaire promise pour 2020. La guerre en Afghanistan s'est invitée dans la campagne. L'Allemagne a plus de trois mille soldats dans le pays et l'impopularité croissante de cet engagement a amené d'abord Frank Walter Steinmeier puis Angela Merkel à envisager un calendrier de retrait... d'ici cinq ans.
Le débat télévisé a relancé la campagne du SPD. Frank Walter Steinmeier, qui passait pour un fonctionnaire plus que pour une bête politique, a montré qu'il était un candidat crédible et a gagné quelques points sur Angela Merkel. Pourtant, les sondages montrent que la CDU-CSU fait encore largement la course en tête.
Sauf catastrophe, la première femme à occuper la chancellerie fédérale restera à son poste. Reste à savoir à la tête de quelle coalition. La démocratie chrétienne s'est prononcée pour une alliance avec le Parti libéral (FDP) qui met en avant un programme justement libéral (baisse des impôts pour les plus riches, coupes dans les subventions, réforme du marché du travail, etc...) auquel la démocratie chrétienne a renoncé pour ne pas effrayer les couches populaires.
Sauf miracle, Frank Walter Steinmeier ne sera pas chancelier. Le SPD est trop loin dans les intentions de vote, y compris pour former une majorité avec les Verts qui sont ses partenaires de prédilection. Il faudrait qu'il y ajoute le FDP, qui refuse, au moins jusqu'au soir du scrutin. Ou la gauche radicale, Die Linke, conglomérat d'anciens communistes de l'Est et de déçus de la social-démocratie à l'Ouest. Mais les dirigeants du SPD ont juré qu'ils ne s'allieraient pas avec Die Linke et son coprésident, Oskar Lafontaine, lui-même un transfuge du SPD. Or Die Linke va prendre quelque dix points au SPD chez ceux qui ont le plus à souffrir de la crise et chez les pacifistes qui s'opposent à la participation allemande à la guerre en Afghanistan.
Si le résultat des élections ne permet pas la formation d'une petite coalition, dite «bourgeoise», entre la CDU-CSU et le FDP, la seule solution risque d'être la reconduction d'une grande coalition. Pour les sociaux-démocrates qui peignent sous des couleurs catastrophiques les conséquences d'une alliance entre les démocrates chrétiens et les libéraux, c'est le seul espoir de rester au gouvernement, même si c'est dans un rôle mineur par rapport aux quatre dernières années.
Angela Merkel comme Frank Walter Steinmeier répètent tous les deux qu'à la longue, une grande coalition n'est pas bonne pour la démocratie. Mais s'ils se sont jusqu'à présent ménagés dans les débats électoraux, c'est parce qu'ils savent que dans quelques semaines, ils seront peut-être obligés de continuer à cohabiter.
Daniel Vernet
Image de Une: le débat Merkel Steinmeier