Le goût de la moutarde ou du wasabi est le résultat de millions d’années de lutte pour la survie de végétaux et d’insectes. Dans une étude publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences, des scientifiques expliquent comment l’interaction entre des plantes et des chenilles a contribué à fabriquer certains éléments chimiques que les humains adorent.
Comme le résume NPR, il y a eu au cours du temps ce que l’on pourrait appeler une «course aux armements évolutive», avec des escalades répétées pour avoir de meilleures armes ou une meilleure défense. Avec comme armées en présence, d’un côté les chenilles et papillons, dits «piérides du chou», mangeurs de végétaux, et, de l’autre côté, les plantes de la famille de brassicales (dont la sous-catégorie des brassicacées contient le chou, le raifort, le kale, la moutarde ou encore le wasabi).
Voilà ce qu’il s'est passé: il y a 90 millions d’années, les ancêtres de ces légumes ont fait évolué leurs défenses pour se protéger de l’appétit des insectes voraces en commençant à produire des composés organiques appelés glucosinolates. Et ce fut bien efficace, car les insectes détestent: ça les rend malades. Justement, les glucosinolates sont une composante majeure de la moutarde... Lorsque les tissus des végétaux sont croqués, ils se transforment en ce que les chercheurs surnomment une «bombe à huile de moutarde».
Escalades
Mais, pendant les 10 millions d’années suivantes, les chenilles et papillons ont aussi évolué et développé une protéine permettant de désamorcer cette arme de défense, pour la manger sans tomber malade. Ces insectes pouvaient alors se régaler tranquillement, en toute sécurité, et ont évolué en plusieurs espèces différentes.
L’histoire ne s’arrête pas là. Pour lutter contre la diversité des nouveaux ravageurs, les plantes ont commencé à balancer des «bombes plus sophistiquées», en fabriquant des acides aminés différents pour produire de nouveaux glucosinolates.
À l’abri des prédateurs pour quelque temps, de nouvelles espèces de la famille des brassicales sont apparues. Mais les papillons ont répondu, en évoluant encore grâce à une nouvelle manière de désamorcer les glucosinolates. Alors, les défenses des plantes se sont encore transformées et, une fois de plus, les piérides du chou se sont adaptées pour continuer à manger.
Cette très longue guerre entre insectes et plantes de la famille du chou est donc un exemple de co-évolution (lorsque l’évolution d’une espèce signifie qu’une autre espèce en interaction doit évoluer aussi pour survivre), explique NPR.
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Cocktail de saveurs
Nous autres les humains aimons généralement le goût des glucosinolates, car ils ont deux propriétés sensorielles importantes: le piquant et l'amer. Ces éléments chimiques –il en existe près de 120– apportent des odeurs et des saveurs aux plantes qui en contiennent. Le cocktail de tous ces glucosinolates, nés de millions d'années de batailles, contribue donc largement au goût global d'aliments comme la moutarde (puisque les humains ont appris à transformer des graines en condiments), du raifort ou du wasabi.
NPR rappelle la sage conclusion de Chris Pires, un des auteurs de l'étude:
«Pourquoi pensez vous que des plantes ont du piquant, ou aucune saveur du tout? Ce n’est pas pour nous. Elles ont une fonction. Toutes ces saveurs sont liées à l’évolution».