Il ne fait pas bon être un parti politique établi dans l’Europe contemporaine. Au sud, le parti Syriza a raflé la mise lors des élections législatives grecques de janvier, portant son candidat Alexis Tsipras à la tête du gouvernement. Plus récemment, lors des élections régionales espagnoles, le parti cousin Podemos, inspiré d’un populisme (assumé) latino-américain et des pratiques militantes décentralisées d’Internet, a remporté les deux grandes municipalités de Madrid et Barcelone.
Au nord, en revanche, ce sont des partis souvent qualifiés de populistes d’extrême droite qui grignotent des voix aux partis établis: Ukip en Grande Bretagne et, tout récemment, le Parti populaire danois, devenant à l’issue des dernières élections le deuxième parti du pays (devant les sociaux-démocrates sortants), et le premier parti de droite devant le Parti libéral, de centre-droit.
Selon Mark Leonard, directeur du think tank européen European Council on Foreign Relations, qui publie une tribune dans le Huffington Post, ces succès pourtant de natures différentes ont des causes économiques et culturelles communes.
Colère des peuples
Les électeurs des anciennes zones urbaines industrielles, inquiets de l’immigration et marginalisés par la globalisation économique qui ne passe pas par ces territoires, constituent un gros contingent de voix pour ces partis. Un autre électorat réagit très bien aux appels antisystème de ces nouveaux partis: les ruraux, qui n’adhèrent pas à la sensibilité libérale sur le plan des questions de société des grands partis.
Selon Simon Hix, professeur à la London School of Economics, ces partis jadis dominants paient le fait d’être devenus «cosmopolites» et «métrosexuels». De fait le centre-gauche serait, notamment en France, de plus en plus dépendant du vote des salariés du secteur public d’une part et, d’autre part, des travailleurs urbains des industries culturelles et créatives, ce qui se vérifie par le survote PS dans les «idéopôles».
Selon un autre politologue cité dans l’article, Peter Mair, les partis de gouvernement ne remplissent plus leur rôle d’animateur de la vie civique et de représentation des électeurs: ils sont animés par une classe gouvernante professionnelle qui pense plus à être élue, qu’à porter les revendications et sensibilités de son électorat. Or c’est justement ce vide laissé par les partis traditionnels que les partis dits antisystème remplissent en véhiculant la colère des peuples pour la transformer en débouchés politiques.
Vide laissé par les partis traditionnels
Selon le politologue Fabien Escalona, ces rapprochements ne sont toutefois pas justifiés: «les bases sociologiques, les inspirations idéologiques et les stratégies d’alliances s’avèrent radicalement différentes» chez Podemos et Syriza qu’elles ne le sont chez les partis d’extrême droite avec lesquels certains les amalgament parfois, écrivait-il sur Slate.
Par ailleurs, il est exagéré d’évoquer des partis «antisystème» dans la mesure où, d’un bout à l’autre du spectre politique, ces partis ne lancent pas «de défis concrets et directs aux régimes représentatifs existants. C’est toute la différence entre le radicalisme et l’extrémisme. Seules quelques organisations relevant de ce dernier échappent aujourd’hui à la marginalité, comme Aube dorée en Grèce».