Après les révélations sur les écoutes d'Angela Merkel, la chancelière allemande, par le renseignement américain, Libération et Mediapart –en collaboration avec Wikileaks– ont apporté des preuves que la NSA avait également mise sur écoute les trois derniers présidents français, ainsi que de nombreux ministres et hauts responsables.
Ces révélations n'ont pourtant soulevé qu'un léger haussement d'épaules chez certains. Stéphane Le Foll a ainsi expliqué ce 24 juin sur iTélé qu'il se doutait que des services de renseignement l'avaient mis sur écoute.
"Le fait que je sois sur écoutes, ça fait longtemps que je me le dis. Avant même d'être ministre", dit @SLeFoll #Normal #FranceLeaks
— Lilian Alemagna (@lilianalemagna) June 24, 2015
Tout diplomate vit avec la certitude que ses communications sont écoutées et pas par un seul pays. Monde réel.
— Gérard Araud (@GerardAraud) June 23, 2015
Comme le raconte l'agence de presse américaine AP, «les nouvelles révélations sont vouées à causer un embarras diplomatique pour les Américains, même si les amis s'espionnent entre eux depuis des milliers d'années». Les États-Unis ont pourtant précisé dans les heures qui ont suivi que, tout ça, c'était fini:
«Nous ne ciblons pas et nous ne ciblerons pas les communications du président Hollande»
Pas d’amis, mais des intérêts
Pourtant, ces écoutes d'Angela Merkel avaient été justifiées par une partie de la presse américaine. Le Washington Post indiquait ainsi que «le système international est, et a toujours été, fondamentalement antagoniste, même entre alliées. Pour paraphraser Lord Palmerston, les pays n'ont pas d'amis, ils ont des intérêts».
C'est d'ailleurs l'argument utilisé par Jean-Jacques Urvoas pour décrire la politique américaine en la matière, et résumer la situation. (Il en avait fait de même en 2013.)
Et une nouvelle fois nous redécouvrons que les Etats-Unis n'ont pas d'alliés, ils n'ont que des cibles ou des vassaux. #NSA
— Jean-Jacques Urvoas (@JJUrvoas) June 23, 2015
Dans The National Interest, Elbridge Colby défendait pourtant l'intérêt de telles écoutes, dans un article intitulé «Pourquoi nous devons espionner nos alliés».
«Si nos alliés étaient parfaitement transparents et directs avec nous, il n'y aurait pas de problème. Mais ils ne le sont pas. Et l'on ne devrait pas être particulièrement surpris ou blessé par ceci. Après, notre propre gouvernement ne l'est pas avec nous. [...]
Si nos alliés étaient parfaitement transparents et directs avec nous, il n'y aurait pas de problème. Mais ils ne le sont pas
Elbridge Colby
Personne ne s'attend à ce que ses alliés soient complètement transparents et ouverts. [...] Les alliés restent des gouvernements indépendants et poursuivent leurs propres intérêts. Et ils poursuivent ces intérêts de façon au mieux opaque à la vue de leurs alliés et, bien souvent, en essayant activement de cacher ces activités des gouvernements amis.
Cela signifie qu'il il y a des situation dans lesquelles le gouvernement américain a un besoin légitime de savoir ce que font nos alliés ou ce qui se passe à l'intérieur de leurs frontières, alors que nos alliés ne savent ou ne peuvent pas savoir ce qui se passe ou ne veulent pas être transparents avec nous. C'est dans ces situations qu'il n'est pas seulement approprié mais qu'il incombe au gouvernement américain de collecter des renseignements sur ou à propos de nos alliés.»
Le Washington Post relevait quant à lui ces mots prononcés par Bernard Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, qui relevait que c'est plus l'ampleur du programme d'écoute américain qui l'avait choqué que le programme en lui-même:
«Mais soyons honnêtes, nous écoutons aussi. Tout le monde écoute tout le monde. Simplement nous n'avons pas les moyens des États-Unis, ce qui rend jaloux.»