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En France, prendre les échecs au sérieux reste un acte fou

Temps de lecture : 15 min

La discipline des échecs révèle, au fil des époques, l’ascension et le déclin des puissances de la planète. Pas étonnant qu’en France les échecs restent un pur plaisir de dilettante.

Jeu d’échecs géant à Lausanne, le 1er avril 2015 | REUTERS/Brendan Smialowski/Pool TPX
Jeu d’échecs géant à Lausanne, le 1er avril 2015 | REUTERS/Brendan Smialowski/Pool TPX

Le schisme de 1993 entre la Fédération internationale des échecs (FIDE) et «The King» Kasparov n’avait que trop duré. En 2007, l’Indien Viswanathan Anand remportait, à Mexico, le championnat du monde, un «super tournoi» qui permit la réunification administrative du royaume des 64 cases. Exit le risque d’une activité cérébrale ressemblant trop aux catégories du noble art, la boxe anglaise. Cet interlude de deux septennats nous rappelle qu’aux échecs plus qu’ailleurs les noms qui ont éclairé de leur génie leur époque ont dépensé autant d’énergie, sinon plus, à conserver le pouvoir qu'ils ont œuvré pour l’obtenir. Le roi des jeux est le jeu des rois. La succession sur le trône est souvent délicate.

L’année suivante, «le Tigre de Madras» confirma en battant en match le Russe Vladimir Kramnik à Bonn. Pour beaucoup d’observateurs, cette victoire de «Vishi» fut émotionnelle, les échecs retrouvaient leur terre originelle. Ils seraient une évolution du fameux Chaturanga, ce jeu inspiré de l’armée indienne traditionnelle. Conservons le conditionnel, tous les historiens n'étant pas au diapason sur la question.

Mais qui connaît la traversée de cette activité à travers les âges sait très bien que l’explication anthropologique ne tient pas. Le jeu d’échecs a cette spécificité d’accompagner, au fil des époques, les grands bouleversements aussi bien que les puissances naissantes de la planète.

Le Siècle d’or espagnol vit l’avènement de Ruy Lopez de Segura, un prêtre qui développa la célèbre ouverture qui porte son nom et dont toutes les ramifications n’ont pas encore été explorées. La vitalité ibérique du XVIe siècle n’a eu d’égale que l'expertise des joueurs italiens directement influencés par la féconde Renaissance. Puis, le centre de gravité des échecs poursuivit son chemin par les Lumières et la Révolution industrielle, l'opposition entre l’École française et l’École anglaise, au célèbre Café de la Régence à Paris par exemple, n’était autre que la représentation sur un échiquier de la guerre d’influence que se livrèrent les deux nations pour le leadership planétaire. Lorsque Philidor assène au XVIIIe siècle que «les pions sont l’âme des échecs», un véritable bouleversement de la matrice intellectuelle, il préfigure 1789 et la prise de pouvoir du peuple.

Magistral outil de culture pour le prolétariat

Ce n’est pas le fruit du hasard, non plus, si le premier champion du monde officiel, à la fin du XIXe siècle, Wilhelm Steinitz, était né dans le Kaisertum Österreich et son successeur, Emanuel Lasker, figure dominatrice pendant plus d’un quart de siècle, fut le digne représentant du foisonnement intellectuel et culturel de la Prusse. Le Reich allemand est vaincu lors de la Grande Guerre, le règne d’un Lasker épuisé et vieillissant s’achève en 1921. L’entre-deux-guerres voit le Cubain Capablanca puis le premier Russe Alekhine, suivis de l’«amateur» néerlandais Euwe, s’emparer de la couronne suprême. La seconde moitié du XXe siècle ne pouvait être que soviétique.

La «dream team» de l’Est

La Guerre froide est la nouvelle norme diplomatique du monde. L’Union des Républiques socialistes soviétiques érige le jeu d’échecs en magistral outil de culture pour le prolétariat dès le début de la Révolution bolchévique, puis en propagande d’État lors de la cimentation des blocs. La conséquence est visible dès 1948. La supériorité de l’URSS est manifeste, l’hégémonie parfaite.

En 1992 aux JO de Barcelone, l’équipe américaine de basket fut surnommée la «dream team», Jordan côtoyait alors Bird, Johnson, Pippen, Malone et autre Barkley. Durant l’Olympiade d’échecs de 1958, à Munich, l’URSS présenta six joueurs dont quatre ont ravi un jour le titre ultime: Botvinnik, Smyslov, Tal et Petrossian. Les deux autres composantes? Le merveilleux Bronstein, challenger malheureux en 1951 après un match en 24 parties qui se finit sur le score de 12-12, et enfin mon joueur préféré, Paul Kérès, trop tôt disparu, dont certains se demandent encore aujourd’hui si son accession au trône ne fut pas entravé par quelques manœuvres du Politburo. Sa formule, «je n’ai pas eu de chance comme mon pays l’Estonie» en dit long. Deux ans plus tard, à Leipzig, l’URSS aligna quasiment le même sextuor. Seul Viktor «le terrible» Kortchnoï, deux fois finaliste du cycle mondial, remplaçait David Bronstein. Lors de ces deux Olympiades, les joueurs soviétiques ne perdirent que deux parties sur 156 disputées!

2 sur 156

Le nombre de parties perdues par les soviétiques lors des Olympiades de 1958 (Munich) et 1960 (Leipzig)

En 1970, eut lieu la rencontre URSS-Reste du monde, un symbole de plus de la puissance dominante. Tout en haut de l’Olympe, Boris Spassky, avec les pièces noires, miniaturisa celui qui était alors considéré comme le meilleur joueur occidental, Bent Larsen. Un titre honorifique que le Danois perdit d’ailleurs dès l’année suivante en subissant une véritable humiliation: 6-0 en quart de finale des candidats! La légende de Bobby Fischer se concrétisait.

Du «match du siècle» à l’écroulement de l’URSS

Bobby Fischer face à Spassky, le 3 septembre 1992 | REUTERS/Ivan Milutinovic

Le boom médiatique des échecs commença au début des années 1970. Et tout cela grâce à un petit pays: l’Islande. C’est ici, à Reykjavik, que le «free democratic world» remporta sa première bataille idéologique sur l’échiquier. Fischer, «the Kid from Brooklyn», l’individualiste autodidacte, terrassait enfin l’armada soviétique des «Super GMI» et son système d’État. La discipline connut alors un développement extraordinaire. Bobby Fischer élevé au rang de héros national, l’administration américaine est aux anges. Cela ne dura pas. Après avoir perdu son titre par forfait en 1975 au profit de Karpov, il disparut des radars jusqu’en 1992. Lors de son «match-revanche» contre Spassky, en Yougoslavie, alors sous embargo onusien, il cracha, face aux caméras, sur la missive américaine lui enjoignant de ne pas disputer cette rencontre. Son délire paranoïaque ne prit fin qu’à sa mort en 2008.

Quant à Anatoly Karpov le Slave, le titre mondial amorça son retour au Kremlin relativement rapidement. Pourtant un des plus grands champions de tous les temps, il fut catalogué comme «apparatchik» et son talent quelque peu minimisé par une histoire en marche et une presse internationale avide d’opposition. Karpov dut combattre «le Rénégat», le dissident puis apatride Kortchnoï en 1978 et 1981. S'ensuivit alors son duel contre Kasparov, Arménien né Vaïnstein. Le «Boa constrictor» contre «le Monstre aux mille yeux». Ce dernier devint la coqueluche de l’Ouest, «un anti-ambassadeur du jeu d’échecs soviétique», selon le journaliste spécialisé Christophe Bouton.

En 1985, Kasparov règne sur le royaume des 64 cases. L’implosion de l’URSS n’était plus qu’une question de temps

Les signes d’essoufflements et d’effritements de l’URSS étaient évidents. Les deux blocs se livrent alors une lutte larvée à mort tandis que le microclimat de l’époque fausse les jugements géostratégiques. Comme l’a souvent rappelé, parfois écrit, le treizième champion du monde de la discipline, la lutte des deux «K» ne se joue pas entre l’Est et l’Ouest mais entre l’ancienne et la nouvelle Russie, entre le parti communiste et le KGB, entre Moscou associée à Saint-Pétersbourg contre le reste de l’Empire. Plus trivialement, elle se résume à une lutte de pouvoir entre les «Blonds» et les «Bruns». En 1985, Kasparov règne sur le royaume des 64 cases. Cette même année, Gorbatchev prend le pouvoir. L’implosion de l’URSS n’était plus qu’une question de temps.

C’était au début des années 1990. Je pratiquais, alors, le noble jeu pour l’équipe de Bielefeld. Depuis la réunification, les «Schachvereine» de l’Ouest avaient pris l’habitude de se jumeler avec des clubs de l’ex-Allemagne de l’Est et d’échanger, de se rencontrer, de se jauger sur l’échiquier. Pour nous, c’était Potsdam!

Mon adversaire ouvrit du pion-roi et je répondis mécaniquement par la Défense française. Cela provoqua immédiatement un sentiment palpable de malaise chez mon adversaire. Il m’interrogeait des yeux. Après quatorze coups de théorie, joués relativement lentement, je proposai dans la langue de Goethe «Remis», une offre de «nullité de salon», laquelle fut acceptée, non sans que les deux belligérants aient continué à se «renifler» plusieurs minutes. À l’analyse «post-mortem», la question fusa :

«Vous avez joué e7-e6 parce que j’étais Allemand? C’est étrange que le premier Français que je rencontre me joue un coup portant le nom de son pays, non?»

Ne décelant pas le moindre humour dans le ton, je restai interloqué par les sous-entendus, me justifiant pourtant facilement; l’un de mes joueurs préférés, Ulf Andersson, était un grand adepte de cette formation et le GMI suédois avait toujours influencé mon répertoire d’ouvertures. Mon manque d’à-propos m’empêcha surtout de lui notifier qu’il avait choisi comme système de développement pour me contrer la fameuse variante positionnelle du Cavalier en d2, celle du «Praeceptor Germania», du célèbre Siegbert Tarrasch, lequel a tellement contribué au dogmatisme classique des échecs…

Quant la Chine finira de s’éveiller…

C’est donc tout naturellement, si l’on accepte l’histoire de cette discipline, que l’Inde, en tant que superpuissance économique émergente, prend sa place dans le grand concert des nations avec Viswanathan Anand. Le titre de champion du monde junior revint même à ce pays en 2004 et 2008. La nouvelle Russie, amputée de ses anciennes républiques soviétiques, éprouve plus de difficultés. En Europe, le «Wimbledon des échecs», le tournoi fermé de Wijk aan Zee, aux Pays-Bas, a changé de dénomination en 2011 et s’appelle maintenant le Tata Steel Chess Tournament, financé par le géant indien de l’acier.

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Le nombre de Chinois dans le Top 50 au dernier classement Elo FIDE

Signe des temps, le «soft power» du Qatar est à l’œuvre. Le premier «open» d’échecs, richement doté, a vu le jour. À la dernière ronde, le 4 décembre 2014, le Chinois Yangyi Yu, tout juste 20 ans, a «cagoulé» le très solide Kramnik et son arme fétiche, «l’Espagnole variante berlinoise», celle qui lui avait permis de terrasser «The King» en 2000 avec l’aide notamment de son secondant, le Français Joël Lautier. Yangyi Yu avait déjà raflé le titre chez les Juniors l’année précédente. Un autre de ses compatriotes, Lu Shanglei, lui a, depuis, succédé.

La main-mise de ce pays sur les échecs est évidente. Elle l’était déjà chez les féminines, elle le devient maintenant chez les hommes. En août 2014, dans la patrie de Magnus Carlsen, les Olympiades sont remportées pour la première fois par la Chine emmenée par une équipe très jeune. Elle récidive, il y a deux mois, en doublant avec le championnat du monde par équipes! Au dernier classement Elo FIDE, huit Chinois sont dans le Top 50. Et dire que Mao avait interdit, en son temps, la pratique du noble jeu.

Magnus Carlsen (à gauche) et Viswanathan Anand (à droite) au Norway Chess Tournament, le 9 mai 2013 | REUTERS/Kent Skibstad/NTB Scanpix

Janvier 2015, le traditionnel tournoi de Wijk aan Zee vient de fermer ses portes, «le Mozart des échecs» Carlsen, 24 ans, a réglé ses comptes avec tous ses prétendants et remis les pendules à l’heure. Dans le tournoi «B», qualificatif pour le «A», celui où évolue le champion du monde, le vainqueur s’appelle Wei Yi, il n’a alors que 15 ans. En mars 2015, il dépasse le fatidique seuil des 2.700 points Elo. Mieux encore, il bat le record de précocité détenu alors par le Norvégien. L’affrontement qui se prépare va être titanesque. Si l’histoire a un sens, le vainqueur sera inéluctablement… la Chine. Reste à fixer la date.

L’ancien gendarme du monde peut-il encore lutter? Ce qui est évident, c’est que les États-Unis ne veulent pas mourir. Au pays du milliardaire conservateur Rex Sinquefield, tout est possible. La ville de Saint-Louis est devenue la capitale américaine des échecs. Attirés par les projets de carrière et les dollars du riche donateur, l’Italien Fabiano Caruana a changé de nationalité tout comme le Philippin Wesley So. Avec «le Samouraï» Hikaru Nakamura, la «Team USA» très cosmopolite devrait bientôt compter trois professionnels du Top 10 mondial. L’Aggiornamento géostratégique est une lutte de tous les instants.

Le «double Je» français

Officiellement, tout va bien! La Fédération française des échecs (FFE) aime à rappeler que le pays de Philidor rugit dans le Top 5 mondial depuis quelques saisons. La moyenne calculée des dix premiers joueurs de chaque pays au classement Elo permettant ce postulat. L’équipe nationale a même obtenu quelques beaux succès d’estime dans les joutes continentales: deux secondes places en 2001 et en 2013 et même une médaille de bronze aux championnats d’Europe par équipes en 2005. Malheureusement, quelques nations occidentales, capables de nous servir de valeur étalon, donc hors ex-bloc soviétique, sont allées chercher l’or avec un groupe, sur le papier, pas forcément supérieur au nôtre. Ce fut l’Angleterre en 1997, les Pays-Bas en 2001 et 2005 et l’Allemagne en 2011. La gloriole nationale est donc, peut-être, à relativiser.

La France des 64 cases se défend mais n’est en aucun cas à l’attaque

Lorsque l’on s’arrête sur la densité des pays, donc des pratiquants ayant obtenu depuis 1950 le titre officiel de «Grand Maître» ou bien de «Maître», la situation hexagonale est pour le moins caduque. L’optimisme est à la baisse. Cela ne risque du reste pas de s’arranger puisque les nouvelles forces des 64 cases, la Chine et l’Inde en tête, sont en pleine explosion, aidées évidemment par une démographie largement supérieure. Plus proche de nous, le rapport de force avec l’Allemagne est éloquent. Cette dernière n’est que dixième au classement des nations mais elle a produit, depuis soixante-cinq ans, près de quatre fois plus de joueurs titrés que la France! La culture échiquéenne est donc bien plus implantée dans la société civile de l’autre côté du Rhin. Aujourd’hui encore, théoriquement en activité, se trouvent deux fois plus de joueurs titrés allemands que français. Passons sur la qualité des clubs, des infrastructures.

On serait donc tenté d’écrire pour résumer la situation que la France des 64 cases se défend. Elle n’est en aucun cas à l’attaque. Or, en sport de haut niveau comme en diplomatie, le pays qui n’avance pas recule. L’exploit individuel du numéro un français Maxime Vachier-Lagrave, second derrière l’intouchable Magnus Carlsen, au mois de janvier dernier au Tata Chess Steel Tournament, représente moins la résultante d’une politique fédérale et cocardière que l’avènement d’une nouvelle génération de praticiens globalisés du jeu d’échecs.

Les échecs hexagonaux, un «communisme mou» à la française? J’emprunte volontiers cette expression à Franz-Olivier Giesbert car elle sied à merveille à la situation des échecs hexagonaux.

Jean-Claude Moingt, ancien président de la FFE entre 2005 et 2011, raconte une savoureuse anecdote confirmant l’absence de culture du jeu d’échecs parmi les élites:

«Lorsque l’Arménie a remporté les Olympiades en 2006, les joueurs sont revenus en héros dans leur pays, accueillis à l’aéroport, avec réception officielle et tout le toutim. Si l’équipe de France avait gagné, c’est à peine si je n'aurais pas eu à justifier certaines dépenses à mon ministère de tutelle.»

La France a politiquement renié Philidor. Et pourtant, le directeur d’un journal régional me confiait récemment: «Je sais qu'ils jouent tous aux échecs.» Le «ils» désignant la caste des hommes politiques. Une passion qu'ils éprouvent, mais ne souhaitent apparemment pas partager.

Absence de culture du jeu d’échecs parmi les élites françaises

L’un des plus célèbres exemples provient du Rhône et de sa capitale Lyon. La volonté politique y fut omniprésente avec Michel Noir, lequel s'impliqua beaucoup pour l’organisation de la deuxième partie, après New York, du championnat du monde entre les deux «K», en 1990. Les échecs de clubs ne furent pas oubliés puisqu’en solitaire en 1993, puis ex-aequo avec le Bosna Sarajevo de Garry Kasparov l’année suivante, le Lyon-Oyonnax remporta la Coupe d’Europe. On connaît la suite, l'épilogue de la carrière politique de l’ancien maire de Lyon, dont sa condamnation. Son successeur, Raymond Barre, n’était, pour sa part, pas un pousseur de bois, les coupes budgétaires furent de ce fait drastiques. Le Lyon olympique échecs déclara forfait en compétition européenne. En 1996, le club descendit même en seconde division nationale.

Maxime Vachier-Lagrave le 24 novembre 2007 | Georgios1972 via Wikimedia Commons License by

Cela ne veut pas dire pour autant que les forces vives ne sont pas présentes. C’est d’ailleurs plutôt l’inverse, pour en revenir à Lyon, lorsque l’on voit le travail abattu par l’actuel secrétaire général de la FFE, Christophe Leroy, afin de redynamiser la discipline. Petit hic tout de même: le jeu d’échecs n’a pas de modèle économique. C’est la course à la subvention, le royaume de la débrouille et du bénévolat. Des emplois sont parfois créés, dans le social bien sur. La discipline dépend donc du bon vouloir de la puissance publique. Pas étonnant alors de se retrouver à jouer des coudes à la MJC du coin entre l’amical trucmuche, le tarot ou la belote, sans oublier la danse de salon.

Deux décennies après Michel Noir, la situation professionnelle n’a pas forcément évolué, ou si peu. Ce mois-ci, le Top 12, regroupant l’élite par équipes a proposé au Grau du Roi, dans le Gard, un championnat de France de qualité avec les meilleurs joueurs nationaux mais aussi quelques pointures internationales comme Wesley So ou Anish Giri. En off pourtant, la situation est moins rose. Les budgets des clubs sont difficiles à boucler, crise économique oblige, les subventions se raréfient. C’est le drame de cette activité pratiquée, paraît-il, par 600 millions de personnes à travers le monde, soit 10% de la planète. Pire, la retransmission via le net fut de qualité médiocre. Or, aujourd’hui, des professionnels aux simples amateurs, le vecteur de la communication passe par la toile!

Derrière les rencontre du Cap d’Agde, le puissant comité d’entreprise d’EDF-GDF

Le festival du Cap d’Agde est, en France, une fabuleuse réussite. Mais à y regarder de plus près, on remarquera que l’un des partenaires principaux est la CCAS, la Caisse centrale des activités sociales, autrement dit le puissant comité d’entreprise d’EDF-GDF, dont on connaît les relations pour le moins étroites avec la CGT et le PCF. Passons rapidement sur les démêlés judiciaires récents qui ont touché le fameux CE pour se rappeler que le jeu d’échecs était un outil de la propagande soviétique. Que cette activité fut portée en France, pendant des années, par les milieux proches de l’idéal communiste n’est pas une surprise. Ce serait même parfaitement logique et l’on a le droit de se rappeler, et même d’apprécier, le rôle prégnant que joua la culture populaire communiste dans l’Hexagone au sortir de 1945. Seul petit problème mais de taille, si l’on ajoute à la dématérialisation de l’idéologie marxiste un pays centralisé et jacobin, on se rend compte que l’ensemble des opens français, à faible renommée mondiale ou de notoriété, sont financés en grande partie par le public et dépendent donc de ce dernier. Le logiciel est-il adapté à la nouvelle donne planétaire? Quant au retour sur investissement que pourrait attendre un acteur privé… on n’ose ouvrir le dossier. BNP-Paribas vient d’annoncer officiellement la fin de son partenariat avec la FFE, lequel se terminera en décembre 2016. 13% du budget fédéral annuel en moins d'un coup! Qui s’en émeut?

Évidemment, cette politique a ses avantages, vous pouvez enchaîner les tournois estivaux du Sud-Ouest, Saint-Affrique ou Condom par exemple, un véritable petit circuit d’échecs, associant la passion du jeu et la gastronomie locale. C’est un pur plaisir, de dilettante. Mais on doute que le vainqueur des épreuves n’effraie Pékin, Moscou ou Washington.

Aujourd’hui que subsiste-t-il? Lorsqu’un gamin prend sa licence dans un club de tennis, il peut rêver d’évoluer un jour sur le Central de Roland-Garros. Au football, il peut s’imaginer caresser le cuir pour sa ville, au Parc des Princes, au Vélodrome ou dans le Chaudron. Aux échecs ? Dans le meilleur des cas, et en supposant qu’il persévère, son imaginaire se construira via les grands champions étrangers et surtout les grands tournois: Dortmund, Zurich, Londres, Wijk aan Zee, Stavanger pour ne citer que quelques exemples de la Vieille Europe. Jean-Baptiste Mullon, le capitaine du prestigieux club de Clichy, ne dit pas le contraire:

«C’est vrai que nous avons un excellent développement de masse mais pas pour l’élite. En Corse, il y a pourtant d’excellents exemples, peut-être à suivre.»

La France nage à contre-courant. Elle a choisi de préférer les «échecs-loisir» alors que beaucoup d’États-nations se réarment sur les 64 cases, refusent d’abdiquer et ont compris que le noble jeu est tout autant un sport, une science qu’un art. C'est un premier niveau. Le second est géostratégique et symbolise depuis la nuit des temps la place des puissants sur «l'échiquier mondial». Fantasmes et réalités s'y mêlent. Qu'importe, c'est une place à tenir. Celle-ci dépend uniquement d'un choix politique fort, qui s'assume et offre le roi des jeux à sa population pour un apprentissage réel de la vie, dans un monde globalisé où les règles, finalement, sont toujours les mêmes. Seuls les protagonistes changent, la France ne tient plus son rang.

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