Le «portrait d'un homme» était bien un Velasquez... Reste à savoir pour combien de temps. La toile est entrée dans les collections du Metropolitan Museum of Art de New York en 1949 comme une œuvre du Velasquez et avait perdu son statut apres une décision d'experts, en 1979. Trente ans plus tard, à peine sortie des ateliers de restauration du musée, la toile s'est vu accordée l'imprimatur d'un expert américain du maître espagnol et vient de retrouver son statut. Bonne nouvelle pour le musée? Assurément.
Le Metropolitan se retrouve ainsi propriétaire d'un tableau qui selon des experts cités par le New York Times vaudrait sur les marchés au moins 40 millions de dollars. Le peintre du XVIIéme siècle a peu produit: 110 à 120 œuvres au maximum lui sont attribuées. Formidable nouvelle aussi pour le nouveau directeur des peintures européennes, Keith Christiansen nommé la veille de l'annonce de cette réattribution.
Keith Christiansen explique que la toile et sa dotation le tracassaient depuis 25 ans. «La qualité a toujours été là. Et cela m'était difficile de penser qu'une œuvre de cette qualité était le produit générique d'un travail d'atelier. Elle était sous mon nez toute ma vie. C'est une fantastique découverte. Elle émerge comme dans un conte de fée.»
Il n'y a rien de magique dans la «redécouverte» du Velasquez. L'explication réside avant tout dans la restauration approfondie de la toile qui a permis de mettre à jour des dégâts provoqués par les nettoyages passés et les restaurations successives. Du coup l'authentification est devenue plus facile et plus évidente. «Un seul coup d'œil a suffi», souligne Jonathan Brown, professeur de l'Université de New York, expert de l'œuvre de Velasquez. «Toute la vivacité des coups de pinceaux de l'artiste et les subtilités qui avaient été couvertes pendant des années, sont enfin révélées», ajoute-t-il.
Le tableau a une histoire bien connue mais qui éveille certains soupçons. Il a appartenu à Jule S.Bache, un courtier de Wall Street qui a légué sa collection au musée. Bache avait lui-même acheté la toile à un éminent marchand anglais du début du siècle dernier, Joseph Duveen. Célèbre en son temps, il a depuis gagné une réputation plus sulfureuse: certaines des toiles qui passaient entre ses mains étaient soit «retravaillées» pour correspondre à des standards supposés de l'époque, soit se sont révélées être... des faux.
Le faux le plus célèbre, «La belle ferronnière», sorti tout droit de l'atelier de Duveen, avait été présenté comme étant de la main de Léonard de Vinci, et donna lieu a un procès retentissant dans les années 1920. (Le Louvre en possède une version, et l'attribue à l'Ecole du maître).
La réattribution d'une œuvre est plus fréquente qu'on ne le croit. Des attributions sont remises en question par les progrès techniques et autres avancées des connaissances qui permettent d'affiner les désignations. D'autant que l'usage de la signature de l'artiste ne se répandra que peu à peu, entre XVIIe et le XVIIIe siècle.
Le «Portrait de profil d'une dame» de la National Gallery à Washington était attribué à son entrée dans le musée au peintre de la renaissance Pisanello. Il est aujourd'hui catalogué comme étant d'un maître «Franco Flamand » anonyme du début 15éme siècle. A noter: cette toile était aussi passée entre les mains de Joseph Duveen.
Autre exemple, un Rembrandt, le «Départ de David Jonathan», exposé a l'Hermitage de Saint Petersbourg, a été lui aussi désattribué en 1989; mais il reste pour certains une œuvre authentique de maitre flamand. Un autre Rembrandt, vendu par Sotheby's à New York en 2007 pour 9 millions de dollars, le double de l'estimation de la maison d'enchères, avait perdu en 1972 sa prestigieuse signature avant de la retrouver finalement en 1995.
Le Metropolitan Museum de New York est un spécialiste de la réattribution. Le plus massif changement de labels de l'histoire a eu lieu dans ses murs, où 300 toiles ont changé d'attribution en 1973! Cela représentait a l'époque 15% de la collection des peintures européennes.
Anne de Coninck
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