Le corps des femmes est dégueulasse. En tout cas, c’est le message subliminal envoyé par la plupart des produits «d’hygiène féminine». Serviettes et tampons «protègent au maximum» du sang menstruel. Dans sa description de l’un de ses produits proposés sur Amazon, une marque se vante de vendre des serviettes qui aident à «canaliser le flux au plus profond de la serviette et loin de vous». D’autres insistent sur leur «discrétion». Certains produits sont même parfumés.
La coupe menstruelle ne laisse aucune place à ce genre d’indisposition. Cette coupelle en silicone en forme de cloche s’insère directement dans le vagin, où l’on peut la laisser jusqu’à douze heures. Lorsqu’il est temps de l’enlever, on vide le sang, on rince l’engin et on le remet.
Guide d’utilisation d’une coupe menstruelle | menstrualcup.co via Wikimedia Commons License by
Et contrairement aux utilisatrices de serviettes et de tampons, le fan club grandissant de la coupe menstruelle se fait entendre de plus en plus ouvertement et, depuis quelques années, écrit d'innombrables odes à sa gloire. Un récent projet Kickstarter pour une version pliable appelée Lily Cup Compact a réuni 325.000 dollars, soit plus de quarante fois son objectif initial. Un représentant de Keeper, Inc., fabricant des Keeper Cups et des Moon Cups, tout en refusant de communiquer leurs chiffres de ventes, nous a signalé que des mastodontes du commerce comme CVS et Walmart proposaient des Keeper Cups en rayon. Diva Cup, la marque qui est aux coupes menstruelles ce que Kleenex est aux mouchoirs en papier, m’a confié qu’aux États-Unis et au Canada les ventes de coupes menstruelles augmentaient vingt fois plus vite que celles de serviettes et de tampons.
Normalisation de la menstruation
En encourageant les utilisatrices à interagir avec leur corps pendant leurs règles, la coupe joue un rôle subtil mais essentiel dans la normalisation de la menstruation. Très jeunes, les filles reçoivent des messages leur suggérant que les règles sont des choses honteuses, gênantes et sales. Au cours d’une étude, les chercheurs ont interrogé des dizaines de filles sur leur ressenti des règles et ont découvert qu’elles les considéraient comme une «crise hygiénique» qu’il fallait régler en toute discrétion. Dans une autre étude, où ils ont sondé des Australiennes de 11 et 12 ans, les chercheurs ont découvert que 73% d’entre elles étaient d’accord pour dire que «ça ne se fait pas de dire qu’on a ses règles» tandis que 67% trouvaient que «les règles sont quelque chose d’embarrassant».
Très jeunes, les filles reçoivent des messages leur suggérant que les règles sont des choses honteuses, gênantes et sales
Ces attitudes jouent un rôle dans la répugnance généralement constatée à l’encontre des coupes menstruelles. Lorsque j’ai demandé par SMS à une amie si elle en avait déjà utilisé, elle m’a répondu du tac au tac:
«Beurk, sûrement pas.»
Quand je lui ai demandé de développer un peu, elle m’a rétorqué qu’elle préférait ignorer la «quantité totale» de sang perdue pendant ses règles. «J’aime bien y penser comme à un changement de couleur, pas comme à un liquide», m’a-t-elle précisé. Une autre copine qui exprimait son dégoût à cette idée m’a expliqué:
«Je n’aime pas le principe que tout soit recueilli au même endroit.»
La honte et la gêne peuvent sembler relever de la sphère émotionnelle, mais elles ont des conséquences très concrètes. Selon certains spécialistes, l’idée que le vagin et surtout le sang menstruel sont sales ou honteux contribue réellement à stigmatiser les femmes.
Dans certaines régions, les mythes selon lesquels les femmes qui ont leurs règles peuvent souiller la nourriture ou profaner les idoles en les touchant ont la vie dure. Une étude a découvert que le simple fait d’être associée à des produits menstruels avait des conséquences négatives: les gens qui voyaient une femme faire tomber un tampon de son sac par inadvertance la jugeaient moins compétente et étaient plus susceptibles de s’asseoir en laissant au moins une chaise d’écart entre eux (la femme laissant tomber une pince à cheveux à la place ne recevait pas ce genre d’évaluations négatives). Le stigmate des règles peut également affecter la perception qu’une femme a d’elle-même: des femmes à qui l'on a dit que la personne qui leur faisait passer un entretien d'embauche savait qu'elles étaient en train d'avoir leurs règles ont eu davantage tendance à penser que le recruteur ne les aimait pas; elles ont également fait moins d’effort pour faire bonne impression.
Santé du vagin

Chaque tampon est emballé individuellement et conditionné dans un sachet | Terry Robinson via Flickr CC License by
Même si changer les normes autour de la menstruation ne vous intéresse pas, utiliser une coupe menstruelle a des avantages pratiques. Pour commencer, cela vous permet de faire des économies. En estimant que vous utilisez un petit paquet de serviettes ou une boîte de tampons à chaque cycle, vous dépensez environ 60 dollars (entre 40 et 50 euros) par an en produits menstruels; en 2014, l’industrie de l’hygiène féminine a engrangé plus de 3 milliards de dollars de bénéfices. Une coupe menstruelle en revanche coûte entre 30 et 40 dollars (entre 20 et 30 euros) et peut durer jusqu’à une dizaine d’années si vous l’entretenez correctement.
Parce qu’on n’en achète qu’une en général, la coupe permet de réduire les immenses volumes de déchets générés par les serviettes et les tampons. Chaque serviette et chaque tampon est emballé individuellement et conditionné dans une boîte ou un sachet; de nombreuses serviettes ont une ou deux languettes de plastiques supplémentaires pour maintenir les «ailettes» en place et la plupart des tampons ont des applicateurs en plastique jetables. La coupe en revanche ne génère comme déchet que son emballage en carton d’origine, voire rien du tout: les coupes Moon et Keeper sont envoyées dans des pochettes plutôt que des boîtes, car elles sont faite en latex ou en silicone et risquent donc peu d’être abîmées pendant le transport. Et puis, contrairement aux serviettes et aux tampons, les coupes menstruelles ne contiennent ni colorants, ni neutralisants d'odeurs, ni parfums ni aucun autre produit chimique.
Réduire les immenses volumes de déchets générés par les serviettes et les tampons
Les avantages économiques et écologiques ne suffisent pas à vous séduire? Dans ce cas il vaut aussi la peine de souligner que la coupe menstruelle convient parfaitement aux paresseuses, étant donné que serviettes et tampons doivent être changés toutes les quelques heures alors que vous pouvez garder votre coupe la moitié de la journée (selon les fabricants). En outre, la coupe est meilleure pour la santé de votre vagin. Certains tampons en coton absorbent les fluides naturels en plus du sang menstruel, ce qui assèche le vagin et augmente les risques d’irritation des parois vaginales et par conséquent celui d’être atteinte du syndrome du choc toxique, ou SCT. La coupe se contente de recueillir le sang, ce qui a pour conséquence un nombre plus réduit de bactéries responsables du SCT.
Quelques réponses aux questions les plus courantes: non, on le la sent pas une fois qu’elle est insérée, oui, on peut nager avec, non, elle ne fuit pas souvent (une étude montre qu’elle fuit moitié moins que les autres méthodes) et elle a peu de risques de déborder –pour beaucoup de femmes, une coupe peut contenir tout le sang perdu lors d’un cycle entier. (Anecdote: la plupart des femmes perdent l’équivalent de moins d’un verre à liqueur par cycle. Vous saignez beaucoup moins que vous ne le pensez!) Et, oui, il faut un peu d’entraînement pour apprendre à plier et à insérer la coupe mais la plupart des utilisatrices acquièrent le coup de main en un cycle ou deux.
Si vous utilisez déjà une coupe, ou si vous l’avez essayée et qu’elle vous a convaincue, parlez-en à une amie. Une étude portant sur des jeunes Népalaises révèle que les filles étaient plus susceptibles d’essayer une coupe menstruelle si elles connaissaient quelqu’un qui l’avait déjà fait. Et si la coupe n’est pas votre truc, aucun problème. Quel que soit le produit que vous choisissez pendant vos règles, vous n’avez pas à en avoir honte.