Égalités

Oui, il fallait bannir l'Ukip de la Pride de Londres

Temps de lecture : 3 min

C'est un autre signe des temps de la perméabilité entre la communauté LGBT européenne et les groupes frontistes: la Pride de Londres a hésité plusieurs semaines avant d'exclure de l'évènement des gays membres du parti populiste.

A la Pride de Londres, en 2013. REUTERS/Luke MacGregor.
A la Pride de Londres, en 2013. REUTERS/Luke MacGregor.

Fallait-il exclure l'Ukip de la Pride de Londres, qui aura lieu le 27 juin prochain? Pour la première fois, des membres du parti d'extrême droite voulaient participer au défilé qui, c'est vrai, accueille tout le monde ou presque. Pas très nombreux, moins de 2.000 sur leur page Facebook, ces hommes (car il s'agit surtout d'hommes, du moins sur les photos) représentent pourtant un symbole fort: il y a des gays à l'extrême droite et ils ont le droit de défiler comme les autres. Ce débat qui traverse l'Europe est particulièrement aigu en Angleterre, où le politiquement correct protège tout le monde, même les partis les plus excluants.

Pourtant, l'Ukip est loin d'avoir effectué sa mue sociétale. Le FN l'a faite –tout le monde a remarqué la présence des gays autour de Marine Le Pen– mais le parti de Nigel Fararge reste plus coincé sur les questions de société. Peu de leaders charismatiques gays autour du chef (à part le député européen écossais David Coburn) et surtout, des positions controversées. C'est un des rares partis anglais qui soit toujours opposé au mariage gay. Il refuse de manière véhémente de prendre en charge les soins des migrants séropositifs et affirme même que l'Etat n'est financièrement plus en manière d'assurer les soins pour les personnes vivant avec le VIH à cause de l'immigration. D'une manière générale, l'Ukip n'a pas encore franchi l'étape du gay friendly. D'ailleurs, en février dernier, le représentant du groupe LGBT du parti, Tom Booker, a démissionné car il était en désaccord avec son parti sur ces sujets.

La liberté d'expression, again

Les organisateurs ont longtemps hésité car, selon eux, tout le monde a le droit de s'exprimer. Pink News a rapporté leur point de vue officiel: «Nous ne faisons pas de discrimination en fonction de l'affiliation politique.» Au final, leur refus semble s'appliquer surtout pour des raisons de sécurité et de bonne ambiance. Un nouvel avis sera demandé pour 2016.

L'autre raison de cette prudence (exprimée dans le communiqué de presse officiel) fait aussi sourire: la Pride de Londres veut rester inclusive –même si la politique de UKIP ne l'est pas. Car, étrangement, cette interdiction a soulevé des protestations parmi les démocrates. Le maire de Londres, Boris Johnson, a même demandé poliment, en tant que sponsor de Pride In London, que cette interdiction soit levée: «Je crois passionnément en les valeurs d'égalité que la Pride représente et je pense que tout le monde devrait participer.» De même, le député conservateur Nigel Evans a écrit à Pink News pour annoncer qu'il marcherait avec les membres LGBT de l'Ukip le 27 juin. Ce même média gay a écrit pas moins de huit articles pour «défendre» la présence des populistes dans le défilé. Quand on dit que les gays virent à droite...

Ne pas se laisser faire

Dès l'annonce de l'éventuelle présence de l'Ukip à la marche, une pétition avait été lancée en ligne. Les signataires menaçaient de procéder à des sit-ins et d'autres actions si un cortège de membres LGBT de l'Ukip était présent, selon un argument évident: «Nigel Farage ne défend visiblement pas les valeurs d'acceptation que la Pride promeut et l'Ukip est fondamentalement un parti homophobe, transphobe, xénophobe, raciste et misogyne.» Le militant historique Peter Tatchell a considéré que l'Ukip n'avait rien à faire à la Gay Pride puisque ce parti s'est toujours battu contre le mariage gay et n'a pas de volet LGBT dans son programme. Carie Lyell, dans DivaMag, soutient la manière forte contre l'Ukip mais s'inquiète pour le futur: «Pride ne peut pas être apolitique car elle est intrinsèquement liée à des luttes plus larges pour une justice sociale et économique.»

Il ne faudra pas s'étonner que ce problème arrive en France. Et il faudra être ferme. Déjà, à la Pride de Bruxelles, le parti indépendantiste flamand N-VA est parvenu à défiler malgré ses positions anti-immigrés. Non, nous n'avons pas envie du FN à la Gay Pride, partout en France. Sur cette affaire, l'Ukip aura été «précurseur» et il faut que cela s'arrête là, comme un avertissement. Si vous avez un problème avec les trans, les lesbiennes, les bis, les gays, les séropos, quelle que soit leur origine, vous ne manifestez pas avec eux, c'est tout.

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