Cette semaine, le Prix Nobel Tim Hunt a fait une «blague» sexiste lors de la conférence mondiale des journalistes scientifiques en Corée du Sud, à Séoul. Une blague pas vraiment drôle, alors que se tenait un déjeuner privé en l’honneur des femmes scientifiques.
Voici cette blague: Tim Hunt n’aime pas travailler en laboratoire aux côtés de femmes –pardon, il a dit des «filles»– parce qu’alors trois choses se passent, selon lui. Vous tombez amoureux d’elles, elles tombent amoureuses de vous et, quand on se met à les critiquer, elles pleurent. Un bon point pour Tim Hunt pour avoir confié ses remarques à une salle pleine de journalistes. Peu après, il s’en est excusé –mais sans véritablement s’excuser, si on y regarde de près– à la radio de la BBC, Radio 4:
«Je suis vraiment désolé d’avoir causé du tort, c’est terrible. Je cherchais juste à être franc, en fait.»
Mais Tim Hunt n’est pas le premier scientifique de cette importance à déblatérer des idioties. Certains commentaires pourraient même faire passer sa remarque comme une banalité crasse. Voici donc, dans le désordre, une petite liste non exhaustive de Prix Nobel qui ont raconté n’importe quoi.
1.James WatsonRacisme anti-Africains
James Watson (Médecine, 1962), à propos des Africains, dans le Sunday Times, en 2007:
«Toutes nos politiques sociales sont fondées sur le fait que leur intelligence est la même que la nôtre –alors que les expériences prouvent le contraire.»
Quelques années plus tard, alors qu’il tentait par dépit de vendre son Prix Nobel, il déclara au Financial Times qu’il n’était pas «raciste dans le sens conventionnel du terme».
2.William Bradford Shockley Jr.Eugénisme racial
William Bradford Shockley Jr. (Physique, 1956) a déclaré à la revue New Scientist en 1973 pourquoi il croyait «sincèrement et profondément que l’Académie nationale des sciences devait encourager la recherche sur l’eugénisme racial». Il avait été, raconte-t-il, «inexorablement conduit à penser que la cause principale du déficit intellectuel et social des Noirs américains était héréditaire et avait une origine génétique, et qu’il ne pouvait donc pas être comblé par un changement de contexte».
3.Richard Feynman«Toutes des salopes»
Richard Feynman (Physique, 1965) a raconté dans son livre paru en 1985 Surely You’re Joking, Mr. Feynman comment il essayait d’apprendre à séduire les femmes:
«Dès le lendemain, j’ai essayé d’adopter une autre perspective: j’ai fait comme si les serveuses étaient toutes des salopes, comme si elles ne valaient rien, comme si elles n’allaient absolument rien me donner d’autre si je leur offrais un verre; je me suis dit que je n’allais certainement pas me conduire en gentleman avec de telles salopes inutiles, et ainsi de suite. J’ai appris cela, jusqu’à ce que cela en devienne automatique.»
4.Kary MullisVIH et sida, rien à voir
Kary Mullis (Chimie, 1993), a expliqué en 1994, dans une interview au magazine Spin, pourquoi selon lui le VIH n’était pas responsable du sida.
«On ne découvre pas le sida en se lançant sur des pistes obscures. Il faut juste regarder ce qui est en train de se passer. Et ce qui se passe, eh bien, c’est qu’il y a un certain nombre de gens qui ont adopté un nouveau comportement (l’homosexualité ou la prise de drogue, ndt). Et apparemment ça n’a pas très bien marché pour eux car un certain nombre d'entre eux se sont mis à être malades. C’est la conclusion qu’il faut en tirer».
(Kary Mullis était aussi un tenant de l’«astrologie». «Comment une université ou une grande école peut-elle délivrer une thèse en psychologie à quelqu’un qui n’a jamais pris aucun cours en astrologie?» écrivit-il en 1988 dans un livre appelé Dancing Naked in the Mind Field).
5.Philipp LenardPensée aryenne
Philipp Lenard (Physique, 1905) s’est employé quant à lui dans son livre Deutsche Physikand, écrit en 1936, à quelques commentaires racistes sur ce qu’il appelait la «physique juive» –en fait, la théorie de la relativité d’Einstein:
«Les Juifs n’ont clairement aucune compréhension de la vérité au-delà de quelque arrangement superficiel avec la réalité, qui est indépendante de la pensée humaine. Au contraire, la pensée scientifique aryenne est aussi obstinée que rigoureuse dans sa quête de la vérité. Les Juifs n’ont notoirement aucune capacité à saisir la réalité autrement que celle qui transparaît des activités humaines et de l’état de faiblesse de leur pays de résidence (l’Allemagne; NDT).»
6.V. S. NaipaulInfériorité des écrivaines
V. S. Naipaul (Littérature, 2001), au Guardian en 2011, en train d’expliquer pourquoi selon lui les écrivaines sont simplement inférieures:
«Quand je lis quelque chose, je sais en moins d’un paragraphe ou deux si c’est écrit par une femme. Ce n’est vraiment pas du même niveau selon moi.»
(Le Guardian a créé ce quizz pour lui répondre. Testez-vous!)
Même les génies peuvent être des idiots parfois.