Monde / Société

Il faut sauver le Paternoster

Temps de lecture : 2 min

Les ascenseurs modernes avaient déjà majoritairement remplacé ce modèle rétro qui fonctionnait en continu, sans s’arrêter entre les étages. Mais maintenant il va falloir être initié aux règles de sécurité pour pouvoir y monter.

Paternoster de la mairie de Kiel, en Allemagne | 1621 via Wikimedia Commons Domaine public

Savez-vous ce qu'est un Paternoster? Une sorte d'ascenseur perpétuel, constitué d'une chaîne de cabines ouvertes défilant en continu entre les étages grâce à un système de rotation, d'où son nom latin de «notre père», en référence à cette prière qui s’effectue sur un chapelet. Quasiment inconnu en France, ce système inventé à la fin du XIXe siècle en Angleterre est devenu très populaire en Allemagne et en Europe de l'Est au XXe siècle.

Bien qu'il ait été supplanté depuis belle lurette par les ascenseurs modernes, face auxquels il faisait figure d'escargot (entre 20 et 45 centimètres parcourus par seconde selon les modèles), le Paternoster n'a pas totalement disparu en Allemagne: quelques centaines de modèles sont toujours en service, principalement dans les administrations. On en trouve encore une trentaine rien qu'à Berlin, rappelle le quotidien Der Tagesspiegel, comme au ministère des Affaires étrangères, à la mairie du quartier de Schöneberg ou encore aux Archives de la Stasi.

Mais les jours de cet ascenseur rétro sont comptés: depuis le 1er juin 2015, seules les «personnes initiées» aux règles de sécurité spécifiques à respecter sont autorisées à monter dans ces cabines plaquées de bois dépourvues de porte, le ministère du Travail allemand estimant que leur utilisation est trop dangereuse. En 2013, rappelle le quotidien berlinois, une jeune femme s'était brisée les deux jambes dans le Paternoster du Frankfurter Hotel: s'étant décidée trop tard à descendre, elle était restée coincée entre la cabine et le plafond de l'étage.

Aventure en soi

Comme l'expliquait en 2004 la journaliste Corinne Delvaux dans Karambolage, l'émission d’Arte qui analyse les petites différences entre Français et Allemands, prendre un Paternoster est en effet une aventure en soi:

«Je n’ai rencontré personne qui n’ait pas une certaine appréhension à l’idée de devoir sauter de cet engin. Le cœur se met à battre, souvent on partage sa cellule avec une autre personne devant laquelle on ne veut pas dévoiler ses angoisses. Non, c’est encore trop tôt, c’est maintenant ou jamais. Mon dieu, c’est trop tard. Au secours. Vais-je me faire ratatiner ou la cabine va-t-elle se retourner et vais-je me retrouver les pieds en l’air à la descente.»

Mais les nostalgiques du Paternoster sont outrés par la décision ministérielle. La mairie de Wuppertal a d'ores et déjà lancé une pétition pour sauver ses deux Paternoster, hors service depuis le 1er juin en raison de la nouvelle réglementation, rapporte le quotidien Die Welt:

«La mairie de Wuppertal souligne que les deux ascenseurs qui circulent dans les bâtiments appartenant à la ville sont appréciés par les couples de mariés souhaitant faire des photos originales le jour de leur mariage, par les groupes de visiteurs, par les enfants mais aussi par les employés de la ville. Le fait que les cabines ne puissent être utilisées désormais que par les employés initiés est totalement irréaliste, impossible à mettre en pratique et insensé

Va-t-on devoir ouvrir des écoles de conduite en Paternoster?

Interrogation du quotidien Die Welt

À Duisbourg, où les deux Paternoster de la mairie ont également été stoppés, nombreux sont les habitants qui sont venus s'offrir un dernier tour la semaine dernière. Le commissariat central de Düsseldorf, dont le Paternoster est classé monument historique, a annoncé que le Paternoster continuerait à fonctionner: seul un panneau «réservé au personnel» aura pour rôle de dissuader les visiteurs d'y monter.

«Va-t-on devoir ouvrir des écoles de conduite en Paternoster?» s'agace le quotidien Die Welt dans un autre article. Car un permis de conduire en Paternoster a bel et bien déjà existé: il y a quelques années, l'université de Francfort avait rendu obligatoire la détention d'un document rappelant les règles de sécurité à observer pour les étudiants et les employés qui souhaitaient emprunter l'ascenseur. Cette mesure avait provoqué tant de moqueries, l'émission satirique extra3 de la chaîne NDR ayant même consacré un sujet à la polémique, qu'elle avait fini par être abandonnée.

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